Zeitschrift Debatten Wahrnehmung und Anwendung des französischen Rechts als Vorbi

Jean-Philippe Dunand*

Le géant et les nains. Le Code Napoléon comme modèle des codes civils des cantons suisses romands

I. Introduction
II. Les Codes civils suisses romands sous l’influence du modèle français
    A. Un code imposé puis conservé
    B. Un code pris pour modèle d’une codification
III. Quelques éléments du débat sur l’importation du modèle français
    A. Les craintes et réserves
    B. Les facteurs et arguments favorables au Code français
IV. Conclusion

 

« …, il nous faudra, tout en confessant notre impuissance, aller emprunter à Paris un Code approprié à nos besoins et au caractère de notre peuple, à peu-près comme la robe d’un géant, à l’aide de quelques légers troussis, pourrait cadrer sur le corps d’un nain ! », Frédéric Monneron, Observations sur les projets de code civil pour le pays de Vaud, Lausanne 1810, p. 29.

I. Introduction

Sylvain Soleil a récemment rappelé que, si le Code civil français n’avait pas été conçu comme un modèle sous le Consulat, la perspective se modifia après l’avènement de l’empire napoléonien. Le changement de programme, lié au changement de régime politique et à la nouvelle édition du code, appelé désormais « Code Napoléon », transforma celui-ci, nouvellement défini par Bigot de Préameneu comme le « droit commun de l’Europe », en un système juridique de conquête et d’exportation1.

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Ce vœu d’exportation fut exaucé au-delà de toute espérance puisque l’on sait que l’influence du Code civil français n’épargna aucun continent2. Considéré comme la première grande codification européenne, il dût son rayonnement autant à ses qualités intellectuelles et techniques, à la clarté de sa langue, qu’aux valeurs politiques universelles qu’il véhiculait, telle que son idéologie libérale et égalitaire.

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En Europe, le phénomène fut évidemment particulièrement marqué. Certes, dans un premier temps, le Code civil fut imposé autoritairement par l’empereur Napoléon, en tout ou partie, non seulement dans les frontières du Grand Empire, qui comprenaient notamment la République de Gênes, la Hollande et divers Etats allemands, mais aussi dans les Etats vassaux ou alliés de la France, tels les royaumes d’Italie et de Naples, ainsi que le Grand-duché de Varsovie. On sait cependant qu’après l’ère napoléonienne, les qualités intrinsèques du Code civil lui valurent un attrait grandissant. C’est ainsi qu’il fut maintenu, avec un large soutien des populations, dans diverses régions où il avait été précédemment imposé par Napoléon. Par ailleurs, il servit de modèle pour de nombreux Etats dans lesquels la législation napoléonienne n’avait pas été introduite.

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Dans cette contribution, nous évoquerons plus particulièrement l’influence du Code Napoléon sur les Codes civils des cantons suisses romands, c’est-à-dire de la partie francophone de la Suisse3. Nous rappellerons tout d’abord, dans une présentation descriptive, que le Code civil français a servi de modèle, selon des intensités variables, dans tous les cantons concernés, à savoir Fribourg, Genève, Neuchâtel, Vaud et du Valais, ainsi que la région du Jura bernois (chapitre II). Dans la mesure où l’importation d’un modèle étranger ne peut s’effectuer sans craintes ou oppositions, nous chercherons ensuite, sur la base de quelques sources non exhaustives, à cerner divers critères sur lesquels les débats se sont polarisés (chapitre III).

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II. Les Codes civils suisses romands sous l’influence du modèle français

En Suisse, avant que la compétence de légiférer en matière de droit privé n’ait été conférée, progressivement, à la Confédération helvétique par plusieurs révisions constitutionnelles, à la fin du XIXe siècle, le droit privé s’est essentiellement développé à l’échelon local4. C’est dire, aussi, que les codifications cantonales ont précédé les Codes fédéraux, lesquels ne sont entrés en vigueur que le 30 juin 1883 pour le Code des obligations et le 1er janvier 1912 pour le Code civil. Comme nous le rappellerons, dans certains des territoires composant la Suisse actuelle, la codification fut cependant antérieure aux Codes cantonaux. Elle débuta, en effet, par l’application du Code civil français, imposé par la politique d’expansion napoléonienne.

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Dans la préface de son Manuel du droit civil de la Suisse romande, paru en 1886, Virgile Rossel, professeur à l’Université de Berne, expliquait pourquoi le plan de son ouvrage suivait exactement l’ordre des matières et des articles du Code civil français :

« Nous nous sommes dit que toutes les législations civiles dont nous exposions les principes, avaient leur source dans le Code Napoléon, qui, d’ailleurs, n’a pas cessé d’être en vigueur, pour ses parties essentielles, dans le canton de Genève et le Jura bernois, et qui est à la base des études juridiques, dans la Suisse française et italienne. Les articles de ce Code, commentés brièvement lorsque nous l’avons jugé opportun, nous ont servi pour le texte, en même temps que les éléments originaux des différentes législations romandes. Nous avons accompagné chaque article de notes, pour la plupart très-étendues, dans lesquelles sont relatés le chiffre de l’article correspondant des Codes cantonaux ou de lois spéciales, ainsi que les nombreuses et importantes dérogations au droit civil français. Il suffira d’être quelque peu familiarisé avec l’économie du Code Napoléon pour s’orienter très-rapidement, même sans avoir recours, dans la plupart des cas, aux tables des matières »5.

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Ces quelques lignes sont suffisamment éloquentes pour rendre compte de l’influence exceptionnelle qu’exerça le Code civil français sur les législations cantonales romandes. A l’image du schéma qui s’est développé à l’échelon européen, ce code s’est diffusé en Suisse romande selon deux modalités distinctes : tout d’abord, par les conquêtes françaises, à Genève et dans le Jura, puis, par un choix libre, aussi bien dans les lieux précités où l’on conserva le code après la fin de l’épopée napoléonienne (section A), que dans les autres cantons romands (section B).

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A. Un code imposé puis conservé

1. Genève

Par le « traité de réunion » du 17 mai 1798, la République de Genève fut annexée à la République française pour devenir le chef-lieu du Département du Léman. Conformément à cet acte, les lois françaises se substituèrent progressivement aux anciennes lois genevoises en vigueur à ce moment, soit plus particulièrement, les Edits civils de 1568, révisés en 1713, et les ordonnances ecclésiastiques, révisées en 1576. C’est ainsi que le Code civil français s’appliqua directement à Genève. Après la chute de Napoléon, Genève retrouva son statut de République indépendante et entra peu après dans la Confédération helvétique où, augmentée d’un certain nombre de communes cédées par la France et la Sardaigne au Congrès de Vienne, elle fut définitivement admise par un acte d’union daté du 19 mai 18156.

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La première volonté des nouvelles autorités fut de tourner la page napoléonienne et de doter la République genevoise d’un code civil propre, basé autant que possible sur l’ancien droit des Edits civils7. C’est ainsi qu’en date du 18 mai 1814, le Conseil provisoire de la République chargea une commission de rédiger un code civil en prenant pour base ces Edits. Ce souhait fut renouvelé au mois de janvier 1815 par le Conseil d’Etat de la Ville et République de Genève qui déclara prendre en considération « le vœu exprimé dans le Conseil Représentatif [le pouvoir législatif], et celui des citoyens en général, de reprendre aussitôt que possible, les anciennes lois civiles et de procédure de la République, en n’y faisant que les changements reconnus évidemment nécessaires ». Le Conseil d’Etat recommanda encore à la commission « de conserver, autant qu’il se pourra, la lettre et l’esprit des Edits civils de 1783, la rubrique des titres et l’ordre des matières »8. Dans l’attente d’un hypothétique Code civil genevois, le Code civil français resta en vigueur.

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La commission pour la révision des lois civiles examina les anciens Edits, titre par titre. Elle poursuivit ses travaux pendant plusieurs mois9. Cependant, l’entreprise de codification s’avéra finalement trop vaste et le projet de code civil genevois ne fut jamais concrétisé10. La loi sur l’organisation judiciaire du 6 janvier 1815, confirmée le 14 novembre 1816, avait d’ailleurs déclaré maintenir provisoirement les codes et lois en vigueur, dont le Code civil français, dans la mesure où il n’y était pas dérogé11. La Restauration genevoise, initiée par la Constitution de 1814, s’accommoda donc d’un code imposé par l’occupation subie de 1798 à 1814. Comme le releva Pierre-François Bellot, éminent avocat genevois, professeur, auteur de la loi de procédure civile genevoise (1819)12 :

« Si les Codes français avaient contre eux la nouveauté de leurs dispositions et plus encore le souvenir de la domination étrangère à laquelle nous les devions, l’impartialité ne permettait pas de méconnaître tout le mérite de quelques-unes de leurs parties. Le Code civil, surtout, se recommandait à nous par l’esprit d’équité dont il était généralement empreint, et par l’art avec lequel ses habiles rédacteurs avaient su adapter aux maximes de l’ancien droit, d’heureuses, d’importantes innovations »13.

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En 1816, la commission abandonna ses travaux et laissa au législateur le soin d’apporter les dérogations qui apparaissaient nécessaires au Code français pour l’adapter aux mœurs et aux besoins de l’époque. Ainsi que le résuma le notaire Antoine Flammer, commentant les échecs d’une codification genevoise, l’intérêt

« des légistes était d’ailleurs de conserver une législation [le Code civil français] qui leur permettait de profiter des travaux juridiques d’un grand pays voisin. C’est ainsi que, par la force même des choses, le provisoire tendit à devenir de plus en plus définitif. D’ailleurs, l’exemple du canton de Vaud, qui avait mis quinze ans à refondre le Code civil pour l’adapter à ses usages, était de nature à faire réfléchir les partisans d’une législation nationale sur les difficultés de l’entreprise […] Le Code civil [français] triompha ainsi, avec le temps, des susceptibilités nationales ; on finit par l’accepter avec d’autant moins de scrupule qu’il avait été rédigé à une époque où la France était encore républicaine… »14.

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Finalement, le Code civil français resta applicable à Genève jusqu’à l’entrée en vigueur du Code civil suisse en 1912. Il demeura en conséquence la partie essentielle de la législation civile genevoise même s’il fut complété par diverses lois qui en amendèrent certains aspects, que cela soit pour restituer l’esprit des traditions genevoises, comme en droit matrimonial, ou alors pour remédier aux défauts de ce code, à l’exemple de la publicité des droits réels15.

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2. Jura bernois

Constituant au XVIIIe siècle une partie de l’ancienne principauté épiscopale de Bâle, le Jura, devenu le dernier canton Suisse, en 1978, fut occupé en avril 1792 par les armées françaises. Faisant, dès 1793, partie intégrante de la République française, pour former le département du Mont Terrible, il fut transformé en 1800 en une sous-préfecture du département du Haut-Rhin. Le Code civil français y fut donc applicable de plein droit, dès son entrée en vigueur, en 1804. A l’image de l’exemple genevois, ce code fut toutefois conservé dans le Jura bernois, suite à diverses péripéties, jusqu’à l’entrée en vigueur du Code civil suisse, en 191216.

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Le 20 mars 1815, au Congrès de Vienne, le Jura, francophone et majoritairement catholique, fut attribué au canton de Berne, germanophone et protestant, en compensation de la perte du canton de Vaud, subie en 1798. La volonté première fut de renoncer au Code civil français. C’est ainsi que l’article 14 de l’Acte de réunion du 14 novembre 1815 prescrivait que la

« législation française civile est abolie en principe dans les parties de l’Evêché où elle existe encore. L’époque de son abolition sera fixée par le Gouvernement. Les transactions faites d’après cette législation pendant son existence sont déclarées valides. Il sera nommé par le Gouvernement une commission de jurisconsultes qui formera un recueil d’ordonnances, fondé sur les us et coutumes du pays et sur les lois de Berne comme droit subsidiaire, pour être soumis à la sanction du Conseil souverain »17.

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En application de cette disposition, les autorités du canton de Berne créèrent au mois de mars 1816 une « Commission jurassienne de législation ». Mais cette commission dût rapidement constater son impuissance. D’une part, le caractère fragmentaire, désuet et incertain des us et coutumes jurassiens rendait illusoire l’édification d’un recueil d’ordonnances. D’autre part, le droit privé bernois était lui-même trop largement imparfait pour servir de droit subsidiaire. Dans un décret du 19 décembre 1817, le Parlement bernois décida de procéder à la révision et au complètement du Code judiciaire, de surseoir à l’exécution de l’article 14 précité, de maintenir en vigueur la législation française dans le Jura jusqu’à ce que le droit bernois ait été révisé18.

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Adopté entre 1824 et 1830, le Code civil bernois, rédigé par le professeur Samuel-Ludwig Schnell sur la base du Code civil autrichien de 1811, ne fut jamais appliqué en tant que tel dans le Jura bernois. Il faut dire que les qualités du Code français que l’on avait pris l’habitude d’apprécier, ainsi que des velléités de défiance de l’hégémonie bernoise firent que les Jurassiens s’accommodèrent plutôt bien de l’application prolongée de celui-là. Il est cependant vrai que diverses réformes bernoises altérèrent l’application du Code Napoléon dans le Jura bernois, notamment dans les domaines du mariage et du divorce, ainsi que des régimes hypothécaires.

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Suite à une motion déposée par des députés jurassiens, le Grand Conseil du canton de Berne promulgua le 22 juin 1839 un décret dont l’article 2 consacrait officiellement l’existence de la législation française :

« Le Grand-Conseil donne au Jura l’assurance solennelle que le Code civil et le Code de commerce français, pour autant que ces deux Codes sont encore en vigueur dans cette contrée, ne seront point abrogés, jusqu’à ce que l’intérêt de tout le Canton, ainsi que les propres vœux et les besoins du Jura provoquent un changement dans l’état actuel. En outre, la Commission de législation reçoit le mandat de procéder sans retard à la révision du Code civil et du Code du Commerce français, en même temps qu’à celle des lois de la partie allemande du canton, en ayant égard, pour ce travail, aux progrès de la jurisprudence sur cette matière, ainsi qu’aux besoins et aux vœux du Jura »19.

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La nouvelle Constitution bernoise du 13 juillet 1846 donna des gages encore plus significatifs au Jura bernois en garantissant à son article 89 que le Code civil, le Code de commerce et le Code pénal français seraient, sous réserve de révision, conservés en principe dans la partie du canton où ces codes étaient en vigueur20.

Les autorités bernoises ne renoncèrent cependant pas au projet de rédiger une nouvelle législation commune à tout le canton, y compris le Jura bernois21. Finalement, le projet de « code civil unitaire pour le canton de Berne », élaboré entre 1864 et 1872, fut abandonné, vu les perspectives concrètes d’unification du droit privé pour toute la Suisse22.

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B. Un code pris pour modèle d’une codification

1. Vaud (1811-1819)

En 1803, le pays de Vaud accéda au rang de canton souverain au sein de la Confédération helvétique, par l’Acte de médiation établi à l’initiative de Napoléon Bonaparte, alors premier consul23. L’année suivante, son pouvoir exécutif, le Petit-Conseil, chargea une commission d’apporter les améliorations nécessaires aux lois civiles, c’est-à-dire aux diverses coutumes locales, dont les plus importantes remontaient au début du XVIIe siècle, ou de codifier si elle le jugeait préférable. Une fois cette seconde voie choisie, le Code civil français fut expressément désigné comme modèle. Au mois de février 1807, la commission législative remit son projet de code au Petit Conseil. Celui-ci décida de le réviser intégralement avant de le soumettre au Grand Conseil, compétent pour voter les lois.

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Le processus législatif proprement dit s’étendit sur dix ans, des premiers débats, en 1809, à l’adoption définitive du code, le 11 juin 181924. Il faut dire que la procédure prévue, qui n’autorisait le Grand Conseil qu’à accepter ou à rejeter en bloc un projet de loi, sans pouvoir l’amender, était de nature à ralentir l’avancement des travaux. C’est, finalement, en 1811 et 1812, à la suite de plusieurs rejets, que les deux premiers livres du code furent adoptés. Le travail législatif fut suspendu dès la fin 1813, en raison des troubles et guerres qui ébranlèrent l’Europe. Lorsque, en 1816, la reprise des travaux fut possible, le Conseil d’Etat, nouveau pouvoir exécutif issu de la réforme constitutionnelle de 1814, jugea préférable de procéder à la révision du projet de code tout entier. Dès lors, un nouveau projet de code complet fut soumis au Grand-Conseil en mai 1818, qui, après divers rejets, fut finalement adopté le 11 juin 1819 et entra en vigueur le 1er juillet 1821.

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Globalement, l’influence du Code français fut notable. Ainsi que l’a finement relevé Poudret : devant

« leur indépendance aux armées françaises et leur place de canton souverain au sein de la Confédération à l’Acte de médiation de 1803, donc à la protection de Bonaparte, il est naturel que les Vaudois aient pris le Code Napoléon pour modèle de leur codification. Il est en revanche remarquable que ce modèle ait été conservé et largement suivi dans la deuxième phase de la codification, après 1815, durant la restauration »25.

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Le rapport du 8 mai 1818 du gouvernement au Grand Conseil à l’appui du nouveau projet complet de code résume l’importance donnée au Code civil français et l’équilibre recherché entre celui-ci et les coutumes locales :

« Cette commission se détermina donc à prendre pour cadre de son travail le Code civil français ; elle en élagua tout ce qui n’allait pas à notre canton et lui substitua celles de nos anciennes coutumes qu’il paraissait bon de conserver »26.

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On sait d’ailleurs que le membre le plus influent de la commission chargée de rédiger l’avant-projet, le professeur Henri Carrard, utilisa un exemplaire interfolié du Code civil français, de manière à modifier ou à remplacer les articles de celui-ci par des dispositions tirées des anciennes coutumes vaudoises.

Sur la forme, le plan du Code français fut reproduit, sous réserve du livre troisième qui fut divisé en deux parties consacrées aux successions et aux donations, d’une part, et aux obligations, d’autre part27. Sur le fond, de nombreux articles furent repris textuellement du modèle. Celui-ci fut cependant amélioré, simplifié, épuré (le Code vaudois comptait 1684 articles contre 2281 pour le Code français), et adapté de manière substantielle aux usages et besoins locaux28. L’admission de l’action en paternité, des substitutions à un degré et de l’exhérédation, la favorisation du régime de l’union des biens avec d’importants droits conventionnels ou légaux en faveur du conjoint survivant, le rejet du conseil de famille, de l’antichrèse, des hypothèques générales occultes, ainsi que du bénéfice de discussion, sont autant d’exemples de la consécration d’anciennes règles coutumières vaudoises.

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Enfin, les codificateurs furent conscients du risque que les tribunaux vaudois s’inspirent trop largement du droit français, en particulier de sa jurisprudence et de sa doctrine, pour interpréter les règles contenues dans le Code civil vaudois. Ce fut l’origine du célèbre article 3 du Code civil vaudois qui défendait

« aux juges de citer, comme motif de leur jugement, une loi ou une autorité étrangère, pour expliquer le […] code [vaudois], ou pour y suppléer »29.

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2. Fribourg (1834-1850)

Faisant partie de la Confédération helvétique depuis 1481 déjà, le canton de Fribourg fut régi, jusqu’au début du XIXe siècle, par d’anciens coutumiers fribourgeois des XVIe et XVIIe siècles. En date du 27 janvier 1822, le Grand Conseil du canton de Fribourg chargea une commission de rédaction de réviser les lois civiles existantes, soit les coutumiers, et de rédiger un code uniforme pour tout le canton. L’article 6 du décret du Grand Conseil prescrivait à la commission de rédaction de « conserver soigneusement dans la nouvelle législation tout ce qui tient au caractère et aux habitudes nationales » et de « s’attacher pour tout ce qui exige des changements… aux principes du droit commun et à ceux de la raison et de l’équité naturelle »30. Les instructions contenues dans ce mandat reflètent à certains égards la ligne suivie pour les autres codifications cantonales dans la mesure où les rédacteurs étaient appelés à trouver un savant équilibre entre l’ancien droit local et les innovations nécessaires.

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Les diverses parties du Code civil fribourgeois furent finalement adoptées et mises en vigueur successivement sur une période de quinze ans, de 1834 à 185031. On admet que ce code était encore plus proche des traditions nationales que son homologue vaudois. C’est ainsi qu’il codifia de nombreuses institutions locales, parfois archaïques, comme l’indivision familiale ou la prérogative masculine du cinquième de la succession paternelle réservée aux fils32.

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Il n’en demeure pas moins que le Code français constitua certainement, déjà d’une manière indirecte, une source d’inspiration féconde du Code fribourgeois. En effet, son influence se révéla au travers du Code civil vaudois, dans la mesure où l’on sait que le rédacteur du projet de Code fribourgeois, l’avocat Samuel Chaillet, prit pour base le Code vaudois, lequel, comme nous venons de le voir, avait lui-même eut comme modèle le Code français33.

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C’est ainsi que le code suivait globalement l’ordre des matières du Code civil français, bien qu’il fût composé, non de trois, mais de cinq parties, précédées du titre préliminaire : droit des personnes, droits des biens, droit des successions, droit des obligations, ainsi que droit des preuves et présomptions légales. L’influence du Code français transparaît en outre dans la lecture des procès-verbaux des séances du Grand Conseil fribourgeois consacrées à l’examen du projet de code fribourgeois. On peut donner l’exemple des débats du 16 novembre 1832 portant sur le chapitre II du Titre premier, intitulé « Des actes de l’état civil » :

« Mr le rapporteur de la Commission expose les motifs de ce chapitre. La discussion est là-dessus ouverte et il est observé par un. h. Membre qu’il conviendrait de se servir en général du temps présent et de remplacer les mots sans préjudice des peines portées au Code criminel par ceux-ci ainsi qu’aux peines etc. Il est répondu que sans doute lorsque la loi établit un principe elle doit parler au présent mais que lorsqu’il s’agit de dispositions qui tiennent à l’exécution on peut fort bien se servir du temps futur, ainsi que l’a fait le Code civil français lui-même. Quant à l’expression sans préjudice, elle se justifie aussi par l’emploi qu’en fait le Code civil de France à l’art. 52 du même titre qui règle la même matière. Le chapitre mis aux voix est adopté tel quel par 48 voix contre 10 »34.

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Par ailleurs, la transcription des débats sur le livre quatrième relatif au droit des obligations atteste, que, en la matière, le Code français fut choisi, parmi diverses œuvres codificatrices, comme le modèle prépondérant :

« Ce code [livre quatrième du Code civil fribourgeois] est calqué sur le Code français modifié par les Codes Sarde et de Vaud. Le rédacteur [Samuel Chaillet] a également consulté les Codes d’Autriche et de Prusse, et y a pris les meilleures dispositions »35.

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3. Valais (1843-1855)

L’histoire de la codification civile dans le canton du Valais débuta en 1804 lorsque la Diète du canton constata que les statuts en vigueur étaient extrêmement divers, qu’ils engendraient des privilèges et l’insécurité juridique, et qu’ils n’étaient pas adaptés à l’esprit de la nouvelle constitution du 30 août 1802, laquelle soumettait l’ensemble du canton au même gouvernement36. Dès lors, par une loi du 22 novembre 1804, la Diète décida que les anciens Statuts du Valais, c’est-à-dire le Landrecht de l’évêque de Riedmatten de 1571, y compris ses révisions successives, et, à leur défaut, le droit commun, soit le droit « romano-canonique », constitueraient le « code civil unique du pays » dès le 1er janvier 180537. Par voie de conséquence, furent abolies les nombreuses franchises et coutumes locales. Le législateur valaisan compléta cette mesure par l’adoption de diverses lois ponctuelles couvrant des domaines variés38. On peut ici rappeler que le Valais fut annexé à la France en novembre 1810 et transformé en département du Simplon. Il ne semble toutefois pas que le Code civil français ait effectivement été appliqué pendant les trois années d’occupation, contrairement à ce que prévoyait un décret du 26 décembre 181039.

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La loi du 22 novembre 1804 était loin d’avoir résolu le problème des sources du droit privé en Valais, le droit local étant autant fragmentaire et lacunaire que le droit commun était vaste et complexe. Dès lors, en 1819, quatre ans après l’adoption de la nouvelle constitution valaisanne de 1815, année de l’entrée du canton dans la Confédération suisse, le gouvernement chargea une commission de réunir en un volume et dans un ordre plus méthodique, les principes de droit purement valaisan contenus dans les Statuts et dans les lois postérieures, et d’y apporter les modifications convenables. Ce travail, rédigé en latin et divisé en quatre livres, à l’exemple des Institutes de l’empereur Justinien, parut en 1820, sous le titre « Nova legum Vallesiae collectio ».

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Suite à son examen, les autorités valaisannes furent convaincues qu’une simple compilation de l’ancien droit valaisan devait céder le pas à une véritable codification. En 1838, le Conseil d’Etat confia la rédaction d’un projet de code civil à Bernard Cropt, professeur à l’école de droit de Sion qui avait étudié à Chambéry et obtenu son grade de docteur en droit à Turin40.

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Le Code civil valaisan fut adopté en plusieurs tranches, à partir de 1842. L’ensemble du code, contenant quelques modifications aux parties précédemment adoptées, fut mis en vigueur le 1er janvier 1855. Il comportait, de manière équilibrée, des anciennes règles valaisannes ainsi que des nouvelles dispositions tirées de différents modèles de code, en particulier du Code civil français. C’est ainsi que Cropt, dans sa Théorie du Code civil du Valais, indiqua que la

« pensée qui a essentiellement présidé à la rédaction du code civil, a été celle de s’écarter aussi peu que possible de l’ancienne jurisprudence [valaisanne] et de n’y apporter que les changements dont l’expérience avait démontré la nécessité », tout en admettant « qu’un grand nombre d’articles [avaient] été copiés souvent mot à mot dans différents codes modernes »41.

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C’est évidemment, encore une fois, le Code civil français qui fit figure de modèle principal, même si Cropt parut vouloir minimiser cette influence42. Tout d’abord, le plan et la structure du Code valaisan furent calqués sur ceux du Code français : le Code civil valaisan, composé de 2034 articles, comportait, en effet, un titre préliminaire, suivi de trois livres, consacrés aux « personnes », aux « biens et des différentes modifications de la propriété », et aux « différentes manières dont on acquiert la propriété ». Ensuite, de nombreuses dispositions furent reprises du Code français. Cela fut particulièrement marquant dans les dispositions générales du livre troisième comme dans celles qui régissaient le droit des obligations. Ainsi que le relève Sulser,

« […] kann man sagen, dass Cropt alle jene Bestimmungen aus dem Code civil [français] übernommen hat, die irgendwie in das Walliser Recht einfügbar waren, ohne das Walliser Rechtsempfinden allzu sehr zu strapazieren »43.

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En revanche, le Code civil valaisan se distancia largement du modèle français dans de nombreux domaines, comme le droit matrimonial, le droit successoral ou le droit hypothécaire44. Parfois, il consacra des institutions inconnues dans le Code français, telles les fiançailles et l’hypothèque mobilière, ou, au contraire, ne codifia pas des institutions réglées en droit français, telles la « mort civile », la séparation de corps et la communauté universelle.

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4. Neuchâtel (1853/1855)

L’adoption du Code civil neuchâtelois s’inscrit dans un contexte politique singulier. Principauté prussienne depuis 1707, le pays de Neuchâtel fut cédé à la France en 1805. Occupée par ce pays l’année suivante, la Principauté de Neuchâtel devint un fief héréditaire de l’empire français, dont l’administration fut remise par Napoléon au maréchal Berthier, muni des titres de prince et duc de Neuchâtel. Ce dernier, qui régna jusqu’en 1814, sans jamais venir à Neuchâtel, paraît avoir gouverné avec beaucoup de patience et de discrétion, sans véritablement chercher à imposer l’application du Code civil français. En 1815, Neuchâtel entra dans la Confédération helvétique. La même année, le Congrès de Vienne rétablit le Roi de Prusse dans ses droits, de telle manière que Neuchâtel eut le double statut de principauté prussienne et de canton suisse. C’est finalement en 1857 que le souverain prussien abandonna toutes ses prérogatives sur le canton45 !

36

Il fallut attendre l’année 1848 pour que soit donnée l’impulsion décisive en faveur d’une codification46. Rappelons, qu’à cette époque, Neuchâtel était encore régi par un droit coutumier, qui n’avait jamais fait l’objet d’une rédaction officielle, fondé sur la coutume de Neuchâtel, et à titre subsidiaire, sur le droit romain. Le 1er mars 1848, eut lieu une Révolution républicaine qui renversa les autorités patriciennes en place. Alexis-Marie Piaget, avocat neuchâtelois né à Lyon et ayant étudié le droit à Paris, devint aussi bien l’homme fort du nouveau gouvernement issu de la Révolution neuchâteloise, que, peu après, le rédacteur de l’avant-projet de code civil neuchâtelois et le rapporteur de la commission législative devant le Parlement.

37

C’est ainsi que, quelques mois après les évènements du 1er mars, le Grand Conseil prit connaissance, en date du 18 août 1848, d’un rapport du Conseil d’Etat proposant l’élaboration d’un code pénal et d’instruction criminelle et d’un code civil, en prenant pour base la législation française47. Dans sa séance du 1er septembre 1848, le Grand Conseil neuchâtelois adopta une proposition émanant du Conseil d’Etat, dont les trois premiers articles étaient les suivants :

« 1° Le grand-conseil charge le conseil d’Etat de préparer un projet de code pénal et d’instruction criminelle et un projet de code civil. 2° Le conseil d’Etat devra prendre pour base de son travail la législation française, en apportant à ses diverses parties les modifications que peut rendre nécessaire l’état de nos mœurs et de nos institutions. 3° Quand le conseil d’Etat aura terminé l’un de ces projets, il le présentera à la commission législative, avec l’exposé par écrit des motifs qui l’auront dirigé dans les modifications apportées par lui aux codes français »48.

38

La référence au Code français comme modèle fut particulièrement explicite dans le cas neuchâtelois. Piaget, qui présenta la proposition au Grand Conseil le 1er septembre 1848, motiva ce choix de la manière suivante :

« […] il faut cependant que l’on sache dès ce moment sur quelle base reposera la nouvelle législation, afin que chacun puisse dès ce moment aussi donner à ses études la direction convenable. Or, messieurs, quelle meilleure base pouvons-nous choisir que la législation française, l’ouvrage supérieur du siècle sans contredit ? Cette législation est évidemment celle que nous devons importer chez nous ; elle régit les populations qui nous entourent, la France, le Jura bernois, Vaud et plus loin Genève, avec lequel nous avons tant de relations. Vouloir se créer une législation spéciale, afin de ne pas copier nos voisins, serait une vanité puérile et réellement indigne d’un peuple raisonnable ; sans doute nous ne pouvons ni accepter le code pénal tel qu’il est, ni recevoir le code civil in extenso. L’un et l’autre de ces ouvrages ont des modifications à subir dans plusieurs de leurs parties pour les approprier à nos mœurs, à nos besoins, à nos institutions, mais ils doivent servir de base et de règle à nos travaux »49.

39

Adopté en quatre étapes, de décembre 1853 à janvier 1855, sur la base du projet élaboré par Piaget, le Code civil neuchâtelois fut certainement le code civil romand le plus proche de son modèle français. Même s’il ne comportait que 1826 articles contre 2281 au Code français, son plan et de très nombreuses dispositions furent calqués sur celui-ci. Comme l’expliqua le Conseil d’Etat dans son rapport à la commission législative au sujet du projet de code civil, daté d’octobre 1853 :

« […] d’après le programme tracé au conseil d’Etat en 1848, il ne s’agissait ni de mettre servilement par écrit la coutume de Neuchâtel, à supposer qu’il existât à Neuchâtel une coutume propre et particulière au pays, ni de créer de toutes pièces une législation nouvelle pour le canton. Le travail du conseil d’Etat devait uniquement consister à faire subir au Code français les modifications nécessaires pour l’approprier à nos besoins […]. Le plan du Code civil français, plan aussi logique que lumineux, a été respecté avec d’autant plus de soin, que la distribution des matières se prêtait admirablement, dans son économie simple et raisonnée, à toutes les modifications nécessaires, sans que l’ordre général en reçut la moindre altération »50.

40

Dans le Code neuchâtelois, comme dans les autres codes romands, on intégra des règles locales coutumières pour l’adapter aux mœurs de la région51. Ainsi que l’exprima, encore, le Conseil d’Etat neuchâtelois :

« Les dispositions qui, dans le Code français, répondent à des besoins spéciaux, à des mœurs particulières, à des formes particulières de procédure ou d’organisation judiciaire, sont celles qui ont nécessairement dû subir les plus profondes modifications ou être entièrement supprimées, pour y substituer des dispositions en harmonie avec nos propres besoins et nos institutions. C’est essentiellement dans cette partie de l’ouvrage que le conseil d’Etat a dû tenir compte de nos habitudes et utiliser celles de nos dispositions coutumières dont l’expérience a démontré l’efficacité, et qui ne sont point incompatibles avec les exigences de la civilisation actuelle […] »52.

41

Dès lors, par exemple, dans le Code neuchâtelois, on intégra la séparation de corps, on abaissa la majorité civile de vingt-et-un à dix-neuf ans, mais on ne reprit ni le divorce par consentement mutuel, ni les tutelles officieuse et déférée par le conseil de famille, ni l’antichrèse et les hypothèques légales. Par ailleurs, les dispositions sur les régimes matrimoniaux et le droit des successions furent largement formulées sur la base de l’ancien droit coutumier.

42

III. Quelques éléments du débat sur l’importation du modèle français

Comme un peu partout en Europe continentale, les cantons suisses romands, au XIXe siècle, cherchèrent à rationaliser leur droit privé. Ainsi que le pasteur vaudois Frédéric Monneron l’énonça, trois partis principaux s’offraient à eux :

« 1°. Réparer le système de nos propres lois, en les rendant applicables à la totalité du Canton. 2°. Adopter un code étranger. 3°. Et enfin réformer le Code étranger, pour l’approprier aux circonstances particulières de notre pays. Le premier a de nombreux partisans dans la classe des hommes de sens, qui aiment assez leur patrie, pour pardonner quelques vices de formes à des institutions sous lesquelles ils ont vieilli. Le second est jugé presque généralement impraticable. Le troisième a pour lui ces hommes d’une grande influence, qui, redoutant peu les essais et les chances de la nouveauté, estiment qu’un peuple doit se prêter avec une flexibilité soutenue à toutes les modifications qu’on peut croire utiles pour lui : c’est celui qui paraît obtenir faveur »53.

43

Nous l’avons vu, Genève et le Jura bernois conservèrent pour l’essentiel, après la débâcle napoléonienne, le Code français qui leur avait été appliqué de par leur statut de territoires incorporés à la France. Dans les autres régions de la Suisse romande, où l’on dût faire une véritable œuvre de codification, on choisit, certes, la voie du code civil propre, mais en reprenant la structure et les dispositions du Code français selon des modalités variables. Les principales craintes et réserves à l’encontre de l’influence du Code Napoléon, qui portèrent notamment sur la disparition des coutumes locales, furent émises dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, cantons où la référence au Code français comme modèle principal fut clairement revendiquée (section A). Ces critiques restèrent cependant minoritaires, car les codificateurs parvinrent à convaincre le plus grand nombre que l’apport du Code français consistait surtout, en la forme, en une œuvre de rationalisation et de synthèse, mais que, sur le fond, ses dispositions matérielles n’étaient pas si éloignées du sens des usages romands (section B).

44

A. Les craintes et réserves

Nous avons tiré des sources étudiées quatre types de craintes relatives à la reprise du modèle français, à savoir l’inadéquation du code d’un grand Etat pour les cantons romands (chiffre 1), le renoncement aux us et coutumes locaux (chiffre 2), la perte de l’indépendance politique (chiffre 3), et enfin, la dépendance face à la science juridique française (chiffre 4).

45

1. L’inadéquation du code d’un grand Etat pour de petits territoires

Le Code français, conçu pour régir un vaste Etat pouvait-il être transposé dans l’ordre juridique d’un canton suisse ? En ce qui concerne le canton de Vaud, le pasteur Monneron était convaincu du contraire. C’est ainsi que, dans ses Observations sur les projets de code civil pour le pays de Vaud, qu’il rédigea à l’intention des députés au Grand Conseil vaudois, il compara, selon une terminologie que nous avons faite nôtre dans le titre de la présente contribution, la France à un géant et le canton de Vaud, à un nain :

« …, il nous faudra, tout en confessant notre impuissance, aller emprunter à Paris un Code approprié à nos besoins et au caractère de notre peuple, à peu-près comme la robe d’un géant, à l’aide de quelques légers troussis, pourrait cadrer sur le corps d’un nain ! »54.

46

Quelques années auparavant, dans un passage tout aussi lyrique, Monneron avait déjà esquissé les différences, à son avis irréductibles, existant entre la nation française et la nation vaudoise. La citation de ces quelques phrases, souvent provocatrices, n’est pas inutile dans la mesure où elle permet de rendre compte de nuances culturelles qui n’ont pas empêché la reprise du modèle français dans l’ordre juridique vaudois :

« La première [la nation française], animée par un peuple aimable, spirituel et léger, en possession depuis plusieurs siècles de donner ses goûts à l’Europe, qui adore d’elle jusqu’à ses folies ; patrie des sciences, rendez-vous chéri des littérateurs et des artistes, dont les nombreux chef-d’œuvres décorent et vivifient par tout ce séjour. L’autre [la nation vaudoise], portant des hommes graves, silencieux, réfléchis, dont le goût et le génie ne furent jamais des qualités brillantes, et dont la bonne foi et la franchise peuvent à peine faire pardonner la rudesse… Non, jamais peut-être, la nature ne rapprocha dans un si étroit voisinage deux peuples qui présentassent, sous les mêmes rapports, des oppositions tranchantes et des contrastes plus piquans »55.

47

2. Le renoncement aux us et coutumes locaux

On trouve dans les débats accompagnant l’édification des Codes civils vaudois et neuchâtelois diverses voix qui regrettent l’abandon trop fréquent des règles coutumières au profit des dispositions reprises dans le Code français.

C’est ainsi que Monneron, encore lui, jugeait de manière négative la place prise par les règles françaises dans le projet de code civil vaudois :

« …, mais au lieu d’imiter la France dans les opérations qui ont amené la correction de ses lois, qu’avons-nous fait ? Nous nous sommes très-modestement contentés de lui en emprunter les résultats ; et au lieu d’opérer comme la France sur une matière originaire de notre propre sol, nous avons jugé plus convenable, et plus expéditif sans doute, de travailler sur un Code étranger, en refondant quelques faibles parties, pour les rapprocher bien ou mal de nos usages, & essayer de recouvrer dans quelques détails un avantage que nous consentions à perdre dans l’ensemble. On a oublié que procéder de cette manière à la confection d’un Code de loix, c’était tendre manifestement à nous séparer à jamais de nos mœurs et de nos coutumes, et que cette séparation fâcheuse ne pouvait se faire sans déchirer plusieurs des liens qui nous attachent le plus étroitement à notre patrie ».

48

A Neuchâtel, des arguments similaires furent avancés. C’est ainsi que, lors du premier débat qui se tint, en date du 28 novembre 1853, sur le projet de code civil, le député Wavre communiqua ses fortes réticences sur l’importation du modèle français. Selon la relation qui en a été faite au procès-verbal par le secrétaire, Wavre

« trouve que le projet de Code ne sent pas assez le terroir, le vin du crû. Tandis que, suivant lui, les premiers articles du Code devraient être comme une sentinelle criant au lecteur : garde à vous, vous êtes sur le territoire neuchâtelois, le premier titre est la reproduction textuelle, mot pour mot, du Code français»56.

49

Lors de cette même séance du 28 novembre 1853, le député Calame fit aussi part de ses craintes et regrets :

« Comme juriste et comme citoyen, il voit […] avec peine, l’atteinte portée à notre droit : comme juriste, parce qu’il appartient à l’école historique ; comme citoyen, parce que c’est toujours avec peine qu’on abandonne une partie de sa nationalité et que le droit d’un pays est sa nationalité. La coutume, dont on ignore trop l’origine, est le droit des peuples dont nous descendons, comme les coutumes de France étaient le droit des diverses nationalités dont se compose aujourd’hui l’empire français. On dira, sans doute, que nos coutumes ne sont pas abolies, qu’elles sont consacrées, au contraire, par leur réception dans le nouveau Code. Si cela est vrai dans une certaine mesure, on ne saurait cependant méconnaître que la coutume qui, jusqu’ici, avait la première place, sera reléguée à l’arrière-plan et remplacée au premier rang par le droit commun, le Code français »57.

50

3. La perte de l’indépendance politique

Le fait, pour un petit canton, de reprendre en grande partie une législation étrangère dans son ordre juridique, pouvait être de nature à inféoder dans une certaine mesure ce canton à l’Etat étranger. Dès lors, le député neuchâtelois Wavre reprocha également au projet de code cantonal, à l’aide d’exemples relevant de l’histoire neuchâteloise, de mettre en péril l’indépendance politique du canton :

« Au point de vue politique, n’y a-t-il pas quelque danger à se mettre ainsi dans les eaux françaises ? Un petit pays ne doit-il pas être très jaloux de sa nationalité par instinct de conservation ? Ne devons-nous pas nous souvenir que c’est grâce à la différence de lois et d’institutions que nous avons été protégés contre les velléités de Louis XIV, lorsqu’il voulait évoquer devant son parlement les questions de succession à la souveraineté du pays, jugées en 1707 ; que c’est à cette même circonstance que nous devons de n’avoir pas été incorporés à la France, lors de la domination du premier Bonaparte et du prince Berthier ? »58.

51

4. La dépendance face à la science juridique française

Les juristes, plus généralement, les citoyens de l’époque pouvaient fonder d’autres craintes légitimes envers la reprise du modèle français : l’application du Code français en Suisse n’allait pas manquer de mener à une reprise de la doctrine française, voire à une certaine application de la jurisprudence française dans notre pays. Nous avons vu ci-dessus comment les Vaudois avaient décidé de pallier à cet écueil. Nous citerons ici les remarques pertinentes du professeur neuchâtelois Henri Jacottet :

« Les lois françaises transportées à Neuchâtel, ce sont les arrêts, ce sont les commentateurs français dont le règne commence. Une loi ne prend vie que par l’interprétation ; et où chercher l’interprétation du code Napoléon, sinon dans les procès-verbaux du Conseil d’Etat, du tribunal et du corps législatif, dans les écrivains qui font autorité en France, dans les jugements de la cour de cassation, source commode où se noient de plus en plus les forces vives de la pratique française ? Voilà le danger qui menace le droit neuchâtelois. Si récent que soit le code, les symptômes ne manquent pas. Nous savons que les tribunaux et les hommes de loi n’entreront pas dans cette voie sans résistance ; mais autant nous souhaitons que la résistance soit obstinée, autant nous doutons qu’elle réussisse à vaincre un élément étranger qui s’est fait de plain-saut une si large place dans la loi »59.

52

B. Les facteurs et arguments favorables au Code français

Les critiques susmentionnées, aussi pertinentes qu’elles aient pu paraître, n’ont pas conquis l’assentiment de la majorité des juristes et des législateurs. Il faut dire que d’autres arguments tout aussi fondés emportèrent la reprise du modèle français. Premièrement, les coutumes locales, largement impraticables, étaient incompatibles avec la volonté de doter le canton d’un droit clair, concis, complet et rationnel (chiffre 1). Deuxièmement, le Code français était, finalement, plus révolutionnaire par sa forme que par son contenu, lequel, mis à part quelques acquis de la révolution, consistait le plus souvent en la codification savante, dans un esprit jusnaturaliste, de règles romaines et de coutumes assimilées60. En tant que tel, il pouvait donc facilement s’intégrer dans les ordres juridiques romands qui n’avaient pas été imperméables à la réception du droit romain pour combler les nombreuses lacunes de leur droit coutumier (chiffre 2).

53

1. Un droit concis et rationnel

Par la citation de trois textes convergents relatifs à trois régions différentes, il est possible de mettre en relief l’état peu enviable des droits cantonaux avant les codifications civiles. Composés de sources disparates, éparpillées et lacunaires, ces cantons accueillirent à bras ouverts le Code civil français qui représentait en quelque sorte leur antithèse.

54

On commencera par la comparaison d’Antoine Flammer, notaire, entre la législation genevoise et le Code français :

« Enfin, nous ne croyons pas exagérer en affirmant que le Code civil [français] jouit même d’une sorte de privilège qui rendit souvent difficiles les améliorations qui furent parfois tentées. On s’expliquera facilement ce fait, si l’on songe que la législation genevoise proprement dite, disséminée dans un grand nombre de volumes du Recueil des Lois, fut moins connue et moins facilement étudiée que le Code civil lui-même, qui a pour lui l’immense avantage de présenter en un seul contexte, et de mettre à la portée de tous un système complet et admirablement coordonné de législation »61.

55

La Commission de rédaction du Code civil unitaire pour le canton de Berne fut encore plus explicite pour vanter les mérites du Code Napoléon, comparé au droit local appliqué dans l’évêché de Bâle :

« Nous avouons sans réserve, que l’introduction du Code civil français dans le Jura fut pour l’époque un véritable bienfait, puisqu’elle mit un terme au désordre législatif qui subsistait jadis, et qui était un héritage du gouvernement des Princes-Evêques de Bâle. Les coutumes locales dont le nombre était considérable, les anciens rôles qui présentaient de sérieuses lacunes, furent alors remplacés par un Code dont les avantages sont l’unité et la clarté. Le droit civil fut enfin débarrassé de différentes institutions ecclésiastiques et féodales qui, pendant le moyen-âge, s’étaient en parasites propagées partout »62.

56

On trouve, enfin, le même type d’argumentation dans le rapport présenté au Grand Conseil vaudois par M. Correvon-Demartines, rapporteur de la commission législative, le 3 juin 1809 :

« … le chaos dans lequel le canton de Vaud se trouve par suite du mélange des éléments tirés du droit romain, du droit canonique, des lois féodales et des coutumes qui composent le fond des divers Codes en vigueur dans le canton. Une multitude d’ordonnances bernoises, souvent germaniques, s’y joignirent, et il naquit de tout cela l’obscurité et l’incertitude du droit. Le rapporteur s’élève ensuite contre une idée répandue dans le canton, que nous devons nous garder des lois françaises, et il se demande si la sagesse ne conseille pas de profiter du travail approfondi du Code français, d’en adopter les dispositions qui nous conviennent en abandonnant celles qui nous sont inutiles, et de l’accommoder à nos mœurs et à nos besoins »63.

57

2. Un droit existant à l’état latent

Les gouvernements vaudois et neuchâtelois, qui se devaient de justifier, et sans doute de minimiser l’apport français dans leur projet de code, se sont attelés à démontrer que les droits locaux contenaient déjà, ne serait-ce qu’à « l’état latent », la plupart des règles reprises dans le Code Napoléon. Cette argumentation, ne reposait pas sur un simple calcul politique destiné à vaincre les oppositions probables ; elle n’était pas dénuée de tout fondement, dans la mesure où, nous l’avons vu, le Code français avait lui-même codifié de très nombreuses règles tirées du droit commun.

58

C’est donc dans ce contexte que, dans son rapport présenté au Grand Conseil à l’appui du projet complet de code civil, le 8 mai 1818, le Conseil d’Etat vaudois pouvait prétendre que le Code vaudois était régi sur les mêmes bases que la législation vaudoise pré-codifiée :

« La commission avait sous les yeux le Code français, fruit du travail des plus habiles jurisconsultes d’une nation, avec laquelle nous avons toujours eu les plus grands rapports de mœurs et de langage, ouvrage conçu et rédigé pour un Etat qui, alors, avait les formes républicaines, ouvrage qui lui-même était en grande partie puisé dans le droit romain, c’est-à-dire dans la législation qui avait toujours servi, si ce n’est de loi supplétoire, du moins d’autorité pour décider tant de questions sur lesquelles nos lois gardent le silence le plus absolu […]. Ainsi, malgré une apparence étrangère, l’ouvrage est devenu national, puisqu’il a les mêmes bases que notre législation usuelle et présente dans un corps unique de lois les principes communs de nos coutumes et de nos Codes »64.

59

Dans un ouvrage concis paru en 1819, Emmanuel de La Harpe, docteur en droit et député au Grand Conseil vaudois, conforta la présentation effectuée l’année précédente par le Conseil d’Etat :

« L’on cherche vainement dans nos coutumes quelques dispositions relatives aux obligations en général, […]. Rien de tout cela existe. Le projet, au contraire, nous offre avec la plus grande précision, et sous un petit volume, les règles éparses dans le corps du droit romain, et dans ses nombreux et volumineux commentateurs. L’on ne peut pas dire cependant qu’il renferme des nouveautés pour nous, car nos usages, sur ces matières, d’une application si journalière, étaient puisés dans les bons écrivains ; dans Domat, Potier, qui eux-mêmes ont servi de fondement au projet »65.

60

On retrouve le même type d’argumentation dans le rapport à la commission législative au sujet du projet de code civil, daté d’octobre 1853, du Conseil d’Etat neuchâtelois :

« On se tromperait en effet beaucoup si, prenant à la lettre les mots d’uset coutumes, dont on a passablement abusé, on allait s’imaginer que l’Etat de Neuchâtel possédait un corps complet de droit coutumier à son usage propre et particulier : Neuchâtel possédait, il est vrai, quelques coutumes qui lui étaient propres et qui ne se retrouvent pas ou plus chez les peuples et ses voisins ; mais ces coutumes spéciales sont en nombre très très-restreint. Dès qu’en changeant de matière on ne les a plus pour guides, on rencontre alors partout ce qu’on est convenu d’appeler le droit commun, qui n’est pas autre chose en effet que le droit généralement adopté par tous les pays qui ont une législation écrite et dont le droit ancien a fourni les principaux éléments (…). Voilà pourquoi, Messieurs, l’introduction d’une partie du Code civil français dans notre canton ne sera pas une innovation aussi grande que bien des personnes peut-être se l’imaginent. Plus d’une, sans aucun doute, sera surprise de retrouver par écrit, distribuées dans un ordre logique et heureux, exprimées en langage précis et clair, des idées qui lui sont dès longtemps familières et qui seront encore neuchâteloises au fond, quoique françaises par la forme. La raison en est bien simple : c’est qu’elles existaient chez nous à l’état latent, si l’on peut ainsi dire, tandis que chez nos voisins elles avaient dès longtemps revêtu une forme correcte et saisissable »66.

61

Cette opinion finit par rallier le professeur Henri Jacottet, pourtant favorable à la coutume neuchâteloise :

« Mais il ne faudrait pas s’abuser. Le code neuchâtelois change moins le droit neuchâtelois qu’on est tenté de se le figurer, moins surtout qu’on ne pouvait s’y attendre. Le code français, fils des coutumes, que ses rédacteurs puisaient dans leur guide Pothier, a de nombreuses affinités avec la coutume neuchâteloise. Le XVIIme et le XVIIIme siècles avaient jeté dans le moule romain les matériaux du droit neuchâtelois en même temps que ceux du droit français, et le président Osterwald, dans ses Lois et Coutumes de Neuchâtel, romanisait aussi bien que ses contemporains d’au-delà du Jura [c’est-à-dire, de la France] »67.

62

IV. Conclusion

Ne pouvant résister beaucoup plus longtemps au mouvement général de codification qui anima la plus grande partie de l’Europe, les cantons romands cherchèrent, dans un premier temps, à baser leurs travaux sur leurs traditions locales. Mais celles-ci étaient bien trop éparses et lacunaires pour pouvoir réaliser l’œuvre de systématisation et de rationalisation qu’est un code. Le moyen le plus efficace pour produire un code de qualité était naturellement de se référer aux codifications existantes des Etats européens voisins. Alors que les cantons alémaniques qui se dotèrent d’une codification civile dans la première moitié du XIXe siècle, choisirent tous le modèle autrichien68, les cantons romands élurent le modèle français. En effet, même si son influence fut moins grande dans les domaines, tels le droit de la famille ou le droit des successions, où l’on put reprendre et codifier des coutumes locales bien ancrées, le modèle français marqua, à des degrés variables, la structure et le contenu des tous les Codes civils romands, lorsqu’il ne fut pas directement appliqué. Au-delà des qualités intrinsèques et des valeurs attractives qu’il véhiculait, le Code français fut évidemment choisi en Suisse romande, aussi en fonction d’affinités linguistiques et culturelles.

63

Eugen Huber, le père du Code civil suisse, rappela en ces termes cette profonde influence :

« Der Code civil français, den Bluntschli [principal rédacteur du code civil zurichois] den <ersten und in der That welthistorischen Versuch, das römische und das einheimische Recht durchgreifend auszugleichen und zugleich die Ansprüche des modernen Lebens zu befriedigen> nennt, schien besonders geeignet, in der Schweiz Nachahmung zu erfahren. […] Die Zeitgenossen nahmen daran keinen Anstand und schauten vielmehr in ihrer grossen Mehrzahl (bekannt ist Savignys ungünstiges Urteil) auf den Code als auf eine hervorragende Leistung, die nicht nur von denjenigen Gebieten, welche als Bestandteile Frankreichs in der Zeit der napoleonischen Herrschaft das Gesetzbuch erhalten hatten, nach ihrer Loslösung von Frankreich und Wiedervereinigung mit der Schweiz, als dauernde Errungenschaft festgehalten wurde, sondern auch für andere Gesetzgeber als Vorbild zur Nachahmung besonders empfehlenswert erschien »69.

64

On conclura cette brève étude, destinée à être intégrée dans l’unité monographique de la revue électronique Forum historiae iuris consacrée « aux différentes façons de percevoir et d’utiliser le droit français en tant que modèle juridique dans l’Europe du XIXe siècle », en rappelant que l’influence juridique française en Suisse au XIXe siècle dépassa largement le cadre des codifications civiles (ou pénales d’ailleurs). Diverses recherches ont démontré que la France y exporta à cette époque ses institutions, également dans les domaines du droit constitutionnel et de l’organisation administrative et judiciaire70.

65


Notes:

* La présente contribution paraîtra aussi, sous une forme remaniée, dans les « Etudes en l’honneur du Professeur Giuseppe Gandolfi ». L’auteur remercie Madame Céline Tritten, collaboratrice scientifique à l’Université de Neuchâtel, pour l’aide apportée à la collecte des sources étudiées.

1 Sylvain Soleil, Le Code civil de 1804 a-t-il été conçu comme un modèle juridique pour les nations ?, in : Forum historiae iuris, www.forhistiur.de/zitat/0503soleil.htm, NN 25-47.

2 Sur le rayonnement du Code civil français en Europe et dans le monde, cf. les synthèses récentes de Jean Bart, Le Code Napoléon, un code à vocation européenne ?, in J.-P. Dunand et B. Winiger (éd.), Le Code civil français dans le droit européen, Bruxelles 2005, pp. 65-72 ; Michel Grimaldi, L’exportation du Code civil, in : Pouvoirs N 107 (2003), pp. 80-96 et Jean-Louis Halpérin, Le Code civil, Paris 2003, pp. 127-137.

3 Ce sujet a fait l’objet, dans la première moitié des années nonante, de deux excellentes contributions, l’une par Robert Patry, Rapport suisse, in : La circulation du modèle juridique français, Travaux de l’Association Henri Capitant, Tome XLIV (1993), Paris 1994, pp. 467-494, et l’autre, par Jean-François Poudret, Les limites de l’influence du Code Napoléon sur les codifications romandes du XIXe siècle, in : Revue historique de droit français et étranger 69 (2001), pp. 41-61.

4 Cf. Pio Caroni, « Privatrecht » : Eine sozialhistorische Einführung, Bâle/Genève/Munich 1999, pp. 35-40, ainsi que Didier Berberat et Daniel Perdrizat, L’attribution progressive à la Confédération suisse de la compétence d’unifier le droit privé, in : P. Caroni (éd.), L’unification du droit privé suisse au XIXe siècle, Fribourg 1986, pp. 15-37.

5 Virgile Rossel, Manuel du droit civil de la Suisse romande, Bâle/Genève/Lyon 1886, p. VI.

6 Cf. Alfred Martin, Le Code civil dans le Canton de Genève. Son influence dans le reste de la Suisse romande, in : Le Code civil (1804-1904). Livre du centenaire, tome II, Paris 1969 [réimpression de l’édition Paris 1904], pp. 876-879 et Michel Porret, Administration, police, censure et esprit public à Genève pendant la période française, in : A. Dufour, T. Hanisch et V. Monnier (éd.), Bonaparte, la Suisse et l’Europe, Zurich/Bâle/Genève 2003, pp. 299-320.

7 Cf. Ferdinand Elsener, Geschichtliche Grundlegung, in : Schweizerisches Privatrecht, tome I, Bâle/Stuttgart 1969, p. 221 et Martin, Le Code civil (note 6), 880-881.

8 Arrêtés des 17 et 24 janvier 1815, cités par Martin, Le Code civil (note 6), 881.

9 Cf. Alain Zogmal, Pierre-François Bellot (1776-1836) et le Code civil, Genève 1998, pp. 133ss.

10 Cf. Martin, Le Code civil (note 6), pp. 881-882 ; Patry, Rapport suisse (note 3), pp. 474-476 et Poudret, Les limites (note 3), p. 43.

11 Cf. Alain Zogmal, Egalité devant la loi : les liens entre la Constitution de 1814 et le Code civil de 1804, in : A. Dufour, R. Roth et F. Walter (éd.), Le libéralisme genevois, du code civil aux constitutions (1804-1842), Bâle 1994, p. 147.

12 Sur Pierre-François Bellot et son œuvre, cf. Zogmal, Pierre-François Bellot (note 9).

13 Pierre-François Bellot, Loi sur la procédure civile du canton de Genève, Genève et Paris 1837, p. 2, cité par Zogmal, Egalité devant la loi (note 11), p. 141, note 6.

14 Antoine Flammer, Le droit civil de Genève, ses principes et son histoire, Genève 1875, pp. 58-59.

15 Cf. Flammer, Le droit civil (note 14), pp. 60-290 ; Martin, Le Code civil (note 6), pp. 882-891 et Poudret, Les limites (note 3), pp. 43-45.

16 Sur l’influence du Code civil français dans le Jura bernois, cf. Arlette Bernel, Le droit du Code civil français applicable au Jura bernois, thèse de l’Université de Berne, Genève 1955 ; Patry, Rapport suisse (note 3), pp. 476-479 et Jean-François Poudret, Les limites (note 3), pp. 45-48.

17 Article cité par Bernel, Le droit (note 16), p. 18.

18 Cf. Bernel, Le droit (note 16), p. 22.

19 Article cité par Bernel, Le droit (note 16), p. 24.

20 Cf. Bernel, Le droit (note 16), p. 25.

21 Cf. Commission de rédaction du Code civil unitaire, Rapport sur les bases d’un code civil unitaire pour le canton de Berne, Berne 1869.

22 Cf. Christoph Lerch, L’essai bernois d’unification du droit privé 1864-1872, in : P. Caroni (éd.), L’unification du droit privé suisse au XIXe siècle, Fribourg 1986, pp. 187-213.

23 Cf. Denis Tappy, Vaud en 1803 : des institutions voulues par les Vaudois ou un Etat conçu à Paris ?, in : A. Dufour, T. Hanisch et V. Monnier (éd.), Bonaparte, la Suisse et l’Europe, Genève/Zurich, pp. 73-88 et les nombreuses références citées par l’auteur.

24 Cf. Henri Bippert, Analyse des documents qui ont servi à la rédaction du Code civil du canton de Vaud, Lausanne 1866, pp. 9-13 et Poudret, Les limites (note 3), pp. 49-51.

25 Poudret, Les limites (note 3), p. 48.

26 Cité par Bippert, Analyse (note 24), p. 160.

27 Cf. Poudret, Les limites (note 3), p. 51.

28 Cf. André et Danielle Cabanis, Code Napoléon et Code civil vaudois de 1819 : adaptations et progrès, in : Mélanges dédiés à Gabriel Marty, Toulouse 1975, pp. 224-234 et Poudret, Les limites (note 3), pp. 51-53.

29 Cf. Bippert, Analyse (note 24), pp. 23-24 ; Poudret, Les limites (note 3), p. 50 et Charles Secretan, Remarques sur le Code civil du canton de Vaud, Lausanne 1840, p. 5.

30 Article cité par Robert De Weck, 1830 et les codes fribourgeois, in : Annales fribourgeoises 18 (1939), p. 258.

31 Cf. De Weck, 1830 (note 30), pp. 263-266.

32 Cf. Poudret, Les limites (note 3), pp. 54-55.

33 Cf. Poudret, Les limites (note 3), pp. 54-55.

34 Cf. les débats du Grand Conseil fribourgeois du 19 novembre 1832, in : Extraits des procès-verbaux des séances du Grand Conseil concernant la discussion de la loi sur les hypothèques et du projet de code civil, Archives du canton de Fribourg, fonds « législations et variétés », R1, n°76, pp. 57-58.

35 Cf. les débats du Grand Conseil fribourgeois du 12 décembre 1848, in : Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Fribourg, Fribourg 1848, p. 847.

36 Sur l’histoire du Code civil valaisan, cf. Bernard Cropt, Théorie du Code civil du Valais, tome I, Sion 1858, pp. III-VIII ; Poudret, Les limites (note 3), pp. 55-56 ; Mathias Sulser, Die Zivilgesetzgebung des Kantons Wallis im 19. Jahrhundert, Liestal 1976, pp. 12-60 et Zita Zinneker, Le droit commercial en Valais au XIXe siècle, in : P. Caroni (éd.), Le droit commercial dans la société suisse du XIXe siècle, Fribourg 1997, pp. 136-137.

37 Loi citée intégralement par Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), pp. 12-14.

38 Cf. Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), pp. 23-35.

39 Cf. Jean-Louis Halpérin, L’exportation en Suisse des institutions politiques et juridiques françaises, in : A. Dufour, T. Hanisch et V. Monnier (éd), Bonaparte, la Suisse et l’Europe, Genève/Zurich/Bâle 2003, p. 48.

40 Cf. Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), pp. 40-45.

41 Cropt, Théorie (note 36), p. VII.

42 Cf. Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), pp. 63-68. Voir aussi, Louis Carlen, 100 Jahre Walliser Zivilgesetzbuch, in : Beiträge zur Walliser Rechtsgeschichte, Brigue 1970, pp. 105-106.

43 Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), p. 67.

44 Cf. Poudret, Les limites (note 3), pp. 56-59 et Sulser, Die Zivilgesetzgebung (note 36), pp. 83-86.

45 Cf., Jean-Louis Halpérin, L’exportation (note 39), pp. 45-46 et Philippe Henry, La Principauté de Neuchâtel de 1803 à 1813, ou le refus victorieux des modèles français, in : A.Dufour, T.Hanisch et V. Monnier (éd.), Bonaparte, la Suisse et l’Europe, Genève-Zurich-Bâle 2003, pp. 284-298.

46 Sur l’histoire du Code civil neuchâtelois, cf. Isabelle Augsburger-Bucheli, Le Code civil neuchâtelois (1853-1855), Saint-Blaise 1988, pp. 49-58 ; Patry, Rapport suisse (note 3), pp. 483-485 et Poudret, Les limites (note 3), pp. 58-59.

47 Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel, tome second, Neuchâtel 1849, pp. 6-7.

48 Bulletin officiel (note 47), pp. 105-106.

49 Bulletin officiel (note 47), pp. 104-105.

50 Rapport du Conseil d’Etat à la commission législative au sujet du projet de code civil, in : Bulletin de la discussion du Code civil de la République et canton de Neuchâtel (1853-1855), Neuchâtel 1857, pp. 10 et 12.

51 Cf. Augsburger-Bucheli, Le Code civil (note 46), pp. 167-173 et Poudret, Les limites (note 3), pp. 59-60.

52 Cf. Bulletin de la discussion (note 50), pp. 11-12.

53 Frédéric Monneron, Observations sur les projets de code civil pour le pays de Vaud, Lausanne 1810, pp. 8-9.

54 Monneron, Observations (note 53), p. 29.

55 Frédéric Monneron, Des comptes publics, Lausanne 1799, p. 57.

56 Intervention du député Wavre lors des débats au Grand-Conseil neuchâtelois du 28 novembre 1953, in : Bulletin de la discussion (note 50), p. 188.

57 Intervention du député Calame lors des débats au Grand-Conseil neuchâtelois du 28 novembre 1953, in : Bulletin de la discussion (note 50), p. 190.

58 Intervention du député Wavre lors des débats au Grand-Conseil neuchâtelois du 28 novembre 1953, in : Bulletin de la discussion (note 50), p. 188.

59 Henri Jacottet, Des projets de code civil dans les cantons de Zurich et de Neuchâtel, in : Revue suisse, tome XVII, Neuchâtel 1854, p. 546.

60 Sur cette question, cf., Bruno Schmidlin, Le mouvement des codifications en Europe : la formation du système du Code civil français, in : J.-P. Dunand et B. Winiger (éd.), Le Code civil français dans le droit européen, Bruxelles 2005, pp. 45-63.

61 Flammer, Le droit civil (note 14), p. 59.

62 Commission de rédaction, Rapport (note 21), p. 9.

63 Cité par Bippert, Analyse (note 24), pp. 14-15.

64 Cité par Bippert, Analyse (note 24), p. 160.

65 Emmanuel de La Harpe, Considérations sur l’état de la législation civile dans le canton de Vaud, la nécessité de la changer, et les moyens de la rendre meilleure, Lausanne 1819, p. 59.

66 Cf. Bulletin de la discussion (note 50), p. 11.

67 Jacottet, Des projets (note 59), p. 545.

68 Cf. Eugen Huber, System und Geschichte des Schweizerischen Privatrechtes, tome IV, Bâle 1893, pp. 190-193.

69 Huber, System (note 68), pp. 186-187.

70 Cf. les nombreux exemples et références cités par Jean-Louis Halpérin, L’exportation (note 39), pp. 50-53 et Patry, Rapport suisse (note 3), pp. 492-493.

Beitrag vom 27. Oktober 2005
© 2005 fhi
ISSN: 1860-5605
Erstveröffentlichung
27. Oktober 2005

  • Zitiervorschlag Jean-Philippe Dunand, Le géant et les nains. Le Code Napoléon comme modèle des codes civils des cantons suisses romands (27. Oktober 2005), in forum historiae iuris, https://forhistiur.net2005-10-dunand