Article du 8 fèvrier 1998
© 1998 fhi
Premièrement publié

David Daube

La femme dans le droit biblique

 
I De la servitude aux deux poids et deux mesures.
II Les mariages bilingues
III Le livre de Ruth
IV Assertions récentes de M. Pirenne
Je me propose de faire quatre choses. Avant tout, je tâcherai d'éclaircir qui a porté de la servitude de la femme à l'emploi de deux poids et deux mesures. Deuxièmement je parlerai de la place de la femme dans les mariages bilingues. Troisièmement j'attirerai votre attention sur un motif important du livre de Ruth, qui, jusqu'à maintenant est passé inaperçu. Finalement, je voudrai faire des remarques sur quelques assertions récentes qui me semblent révéler une tendance excessive à la simplification. 1

I De la servitude aux deux poids et deux mesures.

C'est un crime typique des femmes de cultiver des relations illicites. Sarah fut portée deux fois dans le harem d'un roi: une fois par Pharaon et l'autre fois par Abimélech: mais, dans les deux cas, ce fut en conséquence du fait qu'elle passait ou se faisait passer comme une soeur d'Abraham. Chaque fois, Dieu frappa et menaça le roi seulement, pour le forcer à rendre la femme: il n'y a aucun vestige de blâme pour sa conduite à elle. Même le roi, tout en blâmant Abraham pour l'avoir trompé, ne dit rien contre Sarah. Comment expliquer cela? 2
On ne peut pas répondre que Sarah n'était qu'un instrument d'Abraham. Dans les deux épisodes, une partie considérable du récit est dédiée aux paroles par lesquelles Abraham la persuade à cacher sa condition: "Je te supplie, dis que tu es ma soeur, voici la grâce que tu me feras: dis de moi, c'est mon frère." C'est évident qu'elle aurait pu refusé de consentir. On ne peut pas dire non plus, avec la tradition rabbinique, que, quelque soit le sens littéral du texte, elle dévoila la vérité au roi dans son tête à tête avec lui. La vérité est qu'au temps où ces contes furent formulés, l'adultère était surtout le crime d'un homme contre le mari de la femme; plua exactement, c'était une violation des droits du mari dans sa qualité de maître de la femme. 3
Cela ne signifie pas que l'adultè re n'était pas un péché: Dieu envoya des fléaux sur Pharaon et sur Abimélech. Après tout, le vol, le détournement de la propriété d'autrui, était un péché; dans les dix commandements, il est mis à côté du meurtre et de l'adultère. En disant que l'adultère est avant tout une offense contre les droits du mari, maî tre de la femme, je veux dire que, du point de vue de la communauté, la femme, assujettie au mari, ne peut y prendre part. La société n'y voyait pas encore un renversement de l'ordre établi, causé par l'homme en compagnie de la femme; et la religion ne les considérait pas non plus comme également intolérables, souillant la communauté. Du point de vue des remèdes mis en mouvement au nom de la société, le délinquant est l'homme. A ce tempslà, la punition de la femme était laissée au mari: il pourrait la tuer, il pourrait lui couper le nez, il pourrait en gentilhomme oublier le passé. 4
Dans le châpitre sur Abimélech nous lisons qu'il dut rendre Sarah en y ajoutant une réparation: cela nous rappelle clairement les règlements postérieurs concernant le vol qualifié et l'appropriation de fonds. On a affaire à un crime relatif à la propriété. Il y a un autre aspect interessant. Dieu menaça Abimélech en lui disant: "Voici, tu vas mourir à cause de la femme que tu as prise, car elle a un mari." Dans une autre occasion, j'ai essayé de montrer que cela fait songer à une loi promulguée dans le Deutéronome: "Si l'on trouve un homme couché avec une femme qui a un mari, ils mourront, oui, tous deux, l'homme qui a couché avec la femme et la femme aussi." Mais, l'auteur du chapître dans le livre de la Genèse peut s'être fondé sur une version plus primitive, dans certains détails, que celle du Deutéronome. Une différence très probable serait que, dans sa version, la peine de mort était imposée seulement à l'homme. "Voici, tu vas mourir à cause de la femme": ce verdict contre l'homme et le manque d'un verdict correspondant contre la femme, fait penser à une loi de la forme: "Si un homme prend une femme qui a un mari, il mourra." La femme était dans les mains de son maître: l'Etat se chargeait seulement de la punition de l'homme qui commettait l'adultère. 5
La formule du Deutéronome que nous venons de citer s'exprime d'une façon significativement énergique: "ils mourront, oui, tous deux." Cet "oui" énergioue, gam, corrobore notre hypothèse: il est adressé contre la loi précédente selon laquelle l'homme seulement était livré à l'autorité publique. Le Deutéronome y ajoute la femme: "oui, tous deux." 6
Quant aux aventures de Sarah, il n'était évidemment pas question de plainte contre elle de la part du mari, qui l'avait luimême suppliée d'agir de cette façon. On pourrait même se demander s'il avait une raison juste quelconque pour se plaindre du roi, auquel ils avaient tous deux, Abraham et Sarah, caché avec grand soin le fait qu'elle était mariée. Il n'avait pas de raison de se plaindre, à moins que nous ne suivions les Rabbins en donnant une grande importance à sa peur que, en tant que mari de Sarah, il pourrait être éliminée. Mais on entre par là dans une région où toute conclusion directe sur les bases légales devient dangereuse. Dieu résisterait à toute menace contre le bienêtre d'Abraham quels que pussent être precisement les mérites légaux de la situation. 7
Il nous faut cependant remarquer deux choses. D'abord, le fait tout seul qu'un homme ne savait pas que la femme avec laquelle il avait une relation était mariée n'était pas du tout une excuse à tout temps. La compilation Assyrienne l'accepte comme une excuse, et le chapître concernant Abimélech plaide en faveur de la même solution progressive-particulièrement dans la version originale, où l'on a accordé un pardon après le commerce adultère. Deuxièmement, on peut bien douter jusqu'à quel point, même un homme pris dans un piège par le mari pour qu'il commette l'adultère, aurait pu échapper à la punition. Les lois anciennes qui tâchaient de protéger l'homme adultère dans ces circonstances, nous font penser qu'auparavant il n'avait pas beaucoup de moyens de défense contre un mari sans scrupules qui fait du chantage. En Assyrie un homme accusé d'adultère pouvait plaider que la femme s'était offerte à lui; une défense qui peut bien avoir joué un rôle dans l'affirmation soulignée d'Abimélech: "et elle, ellemême dit: il est mon frère." 8
L'histoire de David, Bethsabée et Urie corrobore nos conclusions principales. Le prophète Nathan tonna contre David; pas de mot contre Bethsabée. S'il existait une loi ordonnant la mort pour les deux parties cela ne se comprendrait pas. Encore une fois: on ne peut pas soutenir que Bethsabée n'avait pas le choix, ayant affaire à un ordre du roi. Tout au moins elle aurait pu faire un semblant de résistance, en disat: "Estceque mon maître ne sait pas que je suis mariée?" d'autant plus que nous savons qu'elle était bien capable généralement de défendre ses intérêts. Mais elle accéda: en effet, elle doit même avoir accepté le plan de faire croire à Urie qu'il était le père de l'enfant provenant de l'union adultère. L'ecrivain, avec une grande délicatesse, réussit à se taire sur ce point; mais il est évident que David n'aurait pas pu presser Urie de rentrer du front en permission, pour rendre visite à sa femme sans avoir informé préalablement celleci. Le plan échoua et Urie fut supprimé. Seulement David dut rendre compte de cequ'il avait fait: la situation légale était la même que dans la Genèse: la femme adultère n'interessait pas l'autorité publique. L'homme qui aurait pu faire justice à Bethsabée était mort. 9
En effet la parable du prophète établit un parallèlle très étroit entre l'adultère et le vol d'un agneau ou, peutêtre, d'un enfant. C'est de cette façon qu'on traite l'adultère à ce temps-là. On ne songerait pas à attribuer le crime à l'agneau ou à l'enfant volés, mêne s'ils avaient suivi volontiers le voleur. Le propriétaire ou le père aurait pu exercer des réprésailles contre un fuyard; mais c'est son affaire à lui. De la même façon, c'est Pâris qui était coupable d'un crime dans le sens public Hélène, qui avait consenti, n'eut qu'à s'arranger avec Ménélas, son mari. 10
Les représailles n'étaient pas du tout inévitables. Dans le dernier chapître du Livre des Juges, on nous parle d'une concubine, infidèle à son maître, qui rentra chez son père. On ne nous dit pas si le maître savait avec qui elle l'avait décu; peutetre il ne le savait pas. En tout cas, il ne fit rien d'autre que d'aller la reprendre, en la persuadant amicalement. 11
Encore; après la mort de Saül, Abner maintint son fils Isboseth. Mais ils se brouillèrent lorsque Abner prit Respha, une des concubines de Saül: sans doute, Isboseth, qui se considérait le successeur de Saül, la considérait comme sa propriété. Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est qu'Isboseth ne semble pas avoir pris de mesures sérieuses contre Respha qui, quand même, doit s'être laissée conquérir. 12
Lorsque les deux adultères, homme et femme, étaient tous deux des sujets du mari, l'affaire doit s'être deroulée complétement à l'intérieur de la famille pour un temps assez long. Ruben, fils aîné de Jacob, séduisit Bala; mais on ne nous parle pas de vengeance de la part de Jacob contre sa femme. Dans un des chapîtres suivants nous rencontrons quelque chose qui ressemble à une malédiction qu'il aurait lancée contre son fils aîné. En tout cas, il n'y a pas de vestige d'une intervention extérieure de la part de la société. 13
Le cas d'Absalon, dans un certain sens, a sa place ici. Lorsqu'il s'empara des concubines de David, il le faisait dans sa qualité de nouveau souverain: naturellement elles ne résistirènt pas. Quand le moment arriva où le roi pouvait s'occuper de cette question, le fils rebelle était déjà mort. Les concubines furent mises à la retraite et confinées: ce n'était pas là une punition, mais d'un côté les concubines du roi ne devaient pas passer à autrui, et, de l'autre côté, il semble que l'idée qui se développa plus tard, selon laquelle on ne doit pas reprendre des relations avec sa femme après qu'elle a été avec un autre homme, ait commencé à paraître à ce temps là. 14
Il y a deux exemples d'une sévérité extrême contre une adultère, si pourtant on doit employer ce terme dans ces cas. La bellefille de Juda, Thamar, déjà veuve, mais encore sa sujette, étant destinée au fils qui lui restait, fut déclarée coupable de conduite immorale (injustement, comme on le découvrit plus tard): elle avait eu des relations avec Juda luimême et avait conçu un enfant de lui lorsqu'il ignorait son identité. Juda ordonna qu'elle fut brûlée. On a là, évidemment, de la justice domestique. Bien sûr, si nous suivons l'interprétation généneralement acceptée, et la plus plausible, cette condamnation était accompagnée de beaucoup de publicité. "Faites-la sortir et qu'elle soit brûlée." Mais cela n'est pas incompatible avec un système selon lequel la décision sur le sort de la femme ressortissait à son maître, mari ou autre. La facilité avec laquelle Juda renversa son jugement lorsqu'il se rendit compte de la vérité est très significative: elle est à sa merci, vaille que vaille, bien ou mal. 15
Il n'est pas impossible, d'ailleurs, que l'expression "Faitesla sortir," devrait être interprétee différemment: faire sortir signifie quelquefois la présentation de quelqu'un par celui qui en a la garde légale ou même seulement la garde matérielle. Lorsque Gédéon devait être éxécuté pour avoir détruit l'autel de Baal, on fit une requête a son père: "Fais sortir ton fils et qu'il meure" et le père refusa. Dans le cas de la veuve Thamar, puisqu'elle n'habitait pas dans la maison de Juda, mais chez son père, on pourrait concevoir que les mots: "Faitesla sortir et qu'elle soit brûlée" soient adresses à la famille et qu'ils correspondent aux mots: "fais sortir ton fils et qu'il meure" dans l'histoire de Gédéon. 16
L'autre exemple d'une adultère traitée sévèrement se trouve chez les prophètes, lorsqu'ils déclament contre le peuple qui manque de foi à Dieu. "Et maintentant je découvrirai sa honte aux yeux de ses amants, et personne ne la dégagera de ma main" dit Osée. Et Ezéchiel dit: "Je vais rassembler tous tes amants, et je jugerai selon le droit des femmes adultéres; je te livrerai entre leurs mains; ils te dépouilleront de tes vêtements; ils te lapideront et te perceront de leurs épées; ils brûleront tes maisons par le feu, et ils éxécuterons contre toi des jugements." Comme chez d'autres prophètes qui emploient la même similitude, c'est le mari, Dieu, qui parle contre sa femme infidèle, la nation. Il nous semble significatif que dans Osée il n'y a aucune indication que la femme adultère tombe sous le droit criminel: le mari va en faire un exemple, "et personne ne la dégagera de ma main." Tout autrement chez Ezéchiel; ce seront les autres qui la puniront bien que ce soit le mari qui le demande: "je te livrerai entre leurs mains." Les répétitions "juger," "jugements" sont, tout particulièrement, des indices d'une situation où les procédés sont moins arbitraires, plus officiels: le Deutéronome est déjà en viguer. 17
Sautons audessus des siècles, et regardons la pericopé de adultera chez Jean. La femme adultère fut portée devant Jésus pour que ses ennemis pussent avoir un prétexte contre lui dans le cas où il désapprouverait comme on s'y attendait, la lapidation. On nous informe qu'elle avait été prise en flagrant délit. Les commentateurs se demandent où était l'amant. On pourrait répondre qu'il s'était enfui. Peutêtre c'est vrai; mais ce que nous voulons faire ressortir c'est que l'amant manque du récit parcequ'il n'est pas interessant. Tandis que--comme nous l'avons vu--l'Etat se chargeait autrefois de l'homme adultère seulement, nous sommes maintenant dans un climat héllénisticovictorienédduardien: la rage de la canaille se dirige naturellement contre la femme adultère, et contre elle seule. Et il ne faut pas oublier que, dans une telle situation, la canaille active se composait alors exclusivement de mâles; ce serait autre chose aujourd'hui. Selon Jean, c'étaient des "scribes et pharisiens." M. le Professeur Jérémias conclut qu'ils ne trainaient pas l'adultère au tribunal, mais qu'ils venaient du tribunal où elle avait été condamnée, et qu'ils se dirigeaient vers la place de l'éxécution; ils seraient alors des savants, responsables pour la régularité des procédés. En tout cas, lorsque Jésus proposa que la première pierre fût jetée par celui qui n'avait pas de péché, il ne voulait pas dire "sans péché en général," il pensait évidemment à quelqu'un qui n'avait pas péché contre la chasteté. C'est tout à leur honneur si, après l'appel à leur conscience, ils se sont eclipsés. Mais tout sert à démontrer qu'on employait maintenant deux poids et deux mesures, les uns pour les hommes, les autres pour les femmes: c'est là une situation qui s'est perpétuée dans la vie sociale occidentale jusqu'a nos jours, et qui ne commence à changer que maintenant. 18
La légende de Suzanne et des vieillards, deux siècles auparavant, appartient déjà à ce milieu. Le but de la légende est celui d'inculquer la leçon de la supériorité des méthodes modernes pour écouter les témoins--séparément l'un de l'autre--sur l'ancienne méthode de témoignages collectifs en cérémonie. Le motif spécial--d'une femme vertueuse injustement accusée d'adultère--avait beaucoup d'attraits, en comparaison avec d'autres motifs qui auraient pu servir au même but. Mais une accusation injuste contre un mari vertueux n'aurait pas servi: elle aurait été, nous soutenons, un peu ridicule. 19
Probablement devrions nous discuter Philon et Josèphe Flavius. Mais on sait bien que leurs chapîtres sur l'adultère sont difficiles à interpréter; et nous ne sommes pas à mêmes d'apporter de contribution utile là-dessus. Dans quelques sections on trouve la loi interprétée littéralement: mort au couple adultère; dans d'autres on est étrangement vague. La version donnée par Josèphe du péché avee Bethsabée a un air plus moderne que la version originale. Tandis qu'il nous explique que Bethsabée, lorsqu'elle était enceinte, fit dire à David qu'il devrait penser comment cacher sa faute parceque "selon la loi des pères elle mériterait la mort, comme une adultère" il ne mentionne aucune peine officielle par laquelle David serait menacé. Une autre petite différence: selon la Bible, "lorsque la femme d'Urie apprit que son mari était mort, elle pleura sur mari; et quand le deuil fut passé, David l'envoya chercher et la recueillit dans sa maison, et elle devint sa femme et lui enfanta un fils, "le fruit de leur union. On fait allusion au deuil formel et, évidemment, au temps minimum pendant lequel la veuve ne pouvait pas se remarier. On pourrait presque paraphraser: "et aussitôt que la période du deuil s'était écoulée." Tout autrement Josèphe dit: "Lorsque Bethsabée, la femme d'Urie apprit que son mari était mort, elle pleura et s'affligea pour lui pendant beaucoup de jours; mais lorsqu'elle cessa son affliction et ses larmes pour Urie, le roi la prit comme femme et il eut un fils d'elle." Il y eut une douleur sincère; et qui dirait que cela n'était pas possible? 20

II Les mariages bilingues

Nous ne voudrions pas laisser l'impression que les femmes de la Bible n'étaient capables d'autres crimes que d'une alliance irrégulière. Avant de quitter cet argument, quand même, nous pourrions remarquer que trois hommes , trois seulement, sont punis dans la Bible pour avoir essayé de commettre l'adultère; et ils étaient tous innocents; tandis que les deux hommes, deux seulement, qui, dans la Bible sont coupables du même crime, ne sont pas punis. Abimélech fut frappé du fléau pour avoir essayé de commetre adultère avec Sarah, mais il ignorait qu'elle était mariée; Josèphe fut jeté en prison à la suite d'une accusation fabriquée par la femme de Putiphar; et Aman fut tué lorsque le roi affirma qu'il essayait de violer la reine, tandis qu'il était seulement à ses pieds pour plaider pour sa vie. De l'autre côté, les deux vieillards qui avaient des desseins sur Suzanne, furent éxécutès non pas à cause de cela, mais à cause de leur faux témoignage. Cela, naturellement, n'est qu'une coincidence amusante; mais c'est une leçon que, puisque les conteurs doivent raconter ce qui est exceptionnel, nous devons être très prudents lorsque nous tirons des conclusions sur la vie quotidienne. 21
Quoiqu'il en soit, je disais que les femmes de la Bible ne sont pas coupables que d'unions illicites. L'influence féminine est souvent présentée comme la cause des méfaits des hommes, particulièrement de leur apostasie. Dans un mariage avec une étrangère le danger s'accroît. Les mesures prises par Esdras et Néhémie sont bien connues. Il y a là un problème interessant. Néhémie était exaspéré pour avoir rencontré des Juifs qui avaient marié des étrangères et avaient des enfants qui ne parlaient pas l'hébreu. (Aujourd'hui il pourrait trouver la même ignorance chez les pères.) En général, on s'attendrait à trouver que, dans un mariage mixte, les enfants parlent la langue maternelle, à moins qu'il n'y ait des forces extérieures contraires, par exemple, que la langue du père soit préférable à un point de vue social; jusqu'il y a dix ans à peu près, un enfant blanc, en Afrique du Sud, aurait eu, comme langue principale l'anglais, pourvu que n'importe lequel des deux parents parlât l'anglais. Pour Néhémie, l'adoption d'une langue comme l'azotien (azotien, le son du mot luimême est sinistre) une langue philistine, ne pouvait que conduire à l'apostasie. Probablement il avait raison. 22
Il n'essaya pas le tour de force de Assuérus. Ce roi, enragé à cause de l'insubordination de Vasthi, et prévenu par ses conseillers que cet exemple de Vasthi pourrait encourager d'autres à faire de même, non seulement chassa la reine, mais décréta que "tout mari devait être le maître dans sa maison, et qu'il parlerait le langue de son peuple." Cela veut dire que le langage de son peuple soit adopté par la famille. La dernière phrase, concernant le langage, fut assujettie à beaucoup d'émendations. L'hébreu est gauche; mais cela ne serait pas un raison suffisante. La vraie difficulté es que cette partie du décret, à ce qu'on soutient, nous arrive comme une surprise; il n'y a pas d'indication prélable concernant les mariages mixtes. Et surtout on déclare qu'il est étrange que la question du langage devienne un critère pour l'autorité dans la famille. 23
Pourtant il n'y a pas de justification pour une émendation, moyen trop facile pour se débarrasser du problème véritable que cette phrase nous pose. Ce n'est pas seulement que nous trouvons des mariages bilingues faisant naître des difficultés chez Néhémie--un livre qui a, tout comme Esther des associations perses. Le livre d'Esther luimême étale un intérêt profond pour la coexistence de langues différente et, cela va sans dire, le motif central est un mariage mixte. Le décret même dont nous nous occupons maintenant, fut publié, on nous dit, par des lettres envoyées "à chaque province selon son écriture et à chaque peuple selon son langage." Donc on n'arrive pas à la phrase ne question sans y être préparé. Le premier des deux décrets postérieurs du roi, celui qui, ordonne la destruction des Juifs, fut lui aussi écrit "à chaque province selon son écriture et à chaque peuple selon sa langue," tandis que le deuxième, accordant aux Juifs le droit de se défendre, fut envoyé "à chaque province selon son écriture, à chaque peuple selon sa langue et," avec une addition mise en relief "aux Juifs selon leur écriture et selon leur langue?" Il n'importe pas de décider s'il y a des éléments historiques dans ce rédit. Ce qui compte c'est que l'auteur attache beaucoup d'importance aux langues différentes. 24
Revenons au problème véritable: quelle théorie du langage se cache derrière la phrase prescrivant l'autorité masculine? Quelle théorie de l'éducation? L'auteur sait bien que, normalement, c'est la langage de la mère qui va prévaloir; c'est pour cela que, si l'on vaut avoir le contraire, il nous faut un décret. Un autre postulat, probablement juste, de l'auteur, est que, si les deux époux parlent deux langues différentes, l'autorité dans la maison appartiendra à celui dont le langage y sera adopté. C'est la femme qui devra céder, et sacrifier ce qui lui appartiendrait si on la laissait faire. 25
Mais on se demande à quelle époque et dans quel milieu on aurait formulé une théorie de cette sorte. On n'a pas ici la raison spéciale que l'on trouve chez Néhémie: qui perd l'hébreu perd la religion. L'ordonnance ne fait aucune distinction en faveur d'une langue ou d'une autre; elle est aussi loin que possible des conséquences tirées par Néhémie, c'est à dire que l'intermariage devrait être évite; c'est une ordonnance qui est clairement considérée comme acceptable dans toute communauté civilisée. Elle dérive d'une doctrine tout à fait générale concernant la nature humaine, la langage, la société, des populations mixtes. C'est extrêmement remarquable. Nous n'avons pas réussi à trouver chez aucun écrivain classique une discussion quelconque, ou même une opinion, concernant l'influence dominante et l'éducation dans un mariage bilingue. Le passage dans Esther est unique. Probablement, dans le monde classique, la pression sociale, à laquelle nous venons de faire allusion, éliminait le problème dans un mariage entre une personne de langue latine ou grecque et un habitant du pays: le latin ou le grec aurait toujours prévalu. La situation aurait été différente dans le cas de deux lanques secondaires à l'intérieur, disons, de l'empire romain. Mais, un tel cas était indigne d'attention. 26
Josèphe, qui nous donne d'ailleurs un récit minutieux de l'histoire d'Esther, omet complètement le décret qui établit la supériorité du mâle. Craignaitil que son public en rirait? Et dans les décrets successsifs il ne fait pas allusion à leur promulgation dans les langues différentes. Etaitil discret envers l'administration romaine, chez laquelle une telle finesse n'était pas connue? 27

III Le livre de Ruth

Le livre de Ruth est un exemple des méthodes par lesquelles les femmes pouvaient se débrouiller dans des situations difficiles. On devrait l'appeler le livre de Noémie. C'est avec Noémi qu'il commence et s'achève, c'est par elle qu'il est dominé. Chaque pas de Ruth est sous la direction de Noémi. C'est Noémi qui émigre avec son mari et ses deux fils, c'est elle qui revient toute seule, à l'exception de la bellefille, de provenance étrangère; c'est Noémi qui, à la fin est reconnue--au moyen de ce qu'on appellerait une fiction--comme la mère de l'enfant de sa bellefille, de cet enfant qui est destiné à devenir l'ancêtre du roi David. 28
Il y a là une affinité avec le livre d'Esther. Dans celuici, après l'introduction qui explique comment on s'en vint chercher une nouvelle reine, l'histoire principale commence avec Mardochée et finit avec une description de sa gloire. Et tout comme Ruth entreprend sa visite précaire à Booz qui dort, suivant le conseil de sa belle-mère--"Je ferai tout de que tu me dis"--de la même façon Esther cache sa provenance et se comporte d'une façon équivoque, obeissante à son gardien--parcequ' Esther suivit les ordres de Mardochée." 29
Un des motifs principaux de l'histoire de Ruth qui a complètement échappé aux commentateurs, est la relation entre l'âge avancé et la jeunesse. Commençons par Booz. Il est beaucoup plus âge que Ruth. Dès leur première rencontre dans le champ, il l'appelle "ma fille." Son langage est plein de dignité, presque solennel sa position, ses actions conviennent à un citoyen bien établi, respecté, mûr ou âgé. Lorsque Ruth lui rend visite dans la grange et lui offre de devenir sa femme, il la remercie de son amabilité pour n'avoir recherché aucun des jeunes gens. Thamar qui est mentionné dans le livre comme étant, de quelque façon, le modèle de Ruth, eut, elle aussi, ses enfants d'un homme appartenant à la génération précédente, Juda son beaupère. Il faut remarquer aussi que pendant la visite nocturne, il n'y a pas de commerce entre Ruth et Booz: il n'est pas un amant impétueux. Elle se couche après de lui dans la place d'une épouse, comme pour une suggestion (n'oublions pas qu'elle est veuve et non pas une vierge tremblante). Mais on peut bien déduire que rien n'arriva, du fait que Booz lui expliqua qu'il y avait un de ses parents avec un titre plus fort que lui, et avec lequel on doit s'arranger avant de prendre des décisions définitives. Il y aurait eu des risques énormes si on avait agi imprudemment avant de s'être débarrassé de ces droits là. Une petite remarque de Noémi corrobore ce point . En retournant, Ruth lui dit ce qui s'est passé dans la nuit; et Noémi l'assure qu'on n'aura pas beaucoup à attendre: "cet homme ne se donnera point de repos qu'il n'ait terminé cette affaire aujourd'hui." La sage bellemère comprend la situation, après tout, c'est elle qui a conseillé cette visite à Ruth. 30
Pour ce qui est du rôle de Noémi, le motif de l'âge mur et de la jeunesse est encore plus important. E11e a déjà dépasser l'âge auquel on pourrait normalement penser à se remarieret à avoir des enfants: "Je suis trop âgée pour me remarier." Elle pourrait avoir cinquante ans. Vers la fin du livre, lorsque Ruth a un enfant, les femmes souhaitent la joie à Noémi, parceque l'enfant "sera le soutien de ta vieillesse." Ce n'est pas un souhait à faire à une femme qui a encore des prétentions. 31
Quant à Booz, il rencontre Ruth au début de la récolte; et quoiqu'il soit immédiatement renseigné sur elle, quoiqu'il sache tout ce qui concerne son émouvante loyauté envers la mère de son mari mort, pendant toutes les semaines suivantes il ne fait le moindre pas vers le mariage. Il ne pourrait être plus bienveillant pour Ruth, il en est profondément touché, attiré; pourtant tout le temps de la récolte se passe et il ne fait point d'allusion à ses droits ou devoirs de parent d'Elimélech le feu mari de Noémi. Il y aurait beaucoup d'occasions; mais il les emploie seulement pour être généreux, tendre, plein de soins pour Ruth, mais sans s'engager, avec circonspection. Comment expliquer cette conduite? 32
Il pense, justement, que s'il doit se marier à cause des liens de famille, il devrait se marier à Noémi, la veuve âgée, la douairière, qui a charge de la propriété d'Elimélech et aussi Ruth elle-même. Nous n'avons pas à examiner ici la nature exacte du mariage que l'on attendrait de Booz. Il ressemble au mariage par lévirat, dans son but de fournir un héritier pour le mari mort: le premier fils compterait comme fils d'Elimelech, non pas de Booz. Mais le mariage par lévirat, aux temps de l'Ancien Testament, se fait dans le cadre restreint de la famille; surtout si un fils meurt sans enfants pendant la vie de son père, sa veuve passe au fils suivant. Booz n'est pas un membre de la famille d'Elimélech dans ce sens ci; il est seulement un parent, même pas le plus proche. En épousant Noémi, il ferait un acte de rédemption; c'est à dire, il acquerrait une femme et une propriété qui avaient appartenu tous deux à un membre de son clan, gens, et qui étaient en danger d'être perdues pour le clan. Quels que puissent être les détails légaux et sociaux, il reste soigneusement évasif tandis qu'il doit penser à une union avec Noémi, cinquantenaire, sa contemporaine. Son attitude change radicalement et dramatiquement au moment où Noémi lui envoie, pour la rédemption, Ruth. Elle a trente ans, tout au plus ça fait autre chose. Mais nous verrons dans un moment qu'il n'y a pas là que le sexe. 33
Le jour après la visite décisive de Ruth, il faut s'arranger avec le parent le plus proche, qui avait le droit de présédence sur Booz. Booz, qui est maintenant aussi pratique qu'il n'avait été tout à l'heure rien que sentimental, réussit à son but par un stratagème. Devant un quorum d'anciens, il demande à l'autre s'il désire acheter, rédimer de Noémi la terre de son feu mari, Elimélech: autrement il l'achèterait luimême. L'autre répond que oui, naturellement, il veut prendre cette terre. Puis Booz continnue: "Le jour où tu acquerras le champ de la main de Noémi, tu auras acheté la femme du défunt, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage." La veuve va avec la propriété, ou la propriété avec la veuve. Mais ce qui nous intéresse est que Booz s'exprime d'une façon telle--"tu auras acheté la femme du défunt"-- que l'autre doit penser qu'il s'a gisse de Noémi (tout comme l'avait fait Booz jusqu'au moment de la surprise lorsque Ruth remplaça sa bellemère). Beaucoup de commentateurs corrigent le texte pour éliminer l'ambiguité: "Le jour où tu acquerras le champ de la main de Noémi, tu auras acheté Ruth la Moabite, femme du défunt mari," etc. Cela détruit le clou de l'histoire; sans compter que le refus énergique du rival de Booz devient très peu flatteur pour Ruth. Le rival se retire de l'affaire parceque (tout comme Booz) il ne veut pas épouser Noémi. 34
Cela devient tout à fait évident lorsqu'il justifie sa déclaration négative: "de peur de détruire mon héritage." C'est là le passage le plus débattu dans le livre de Ruth: personne n'en a offert une interprétation satisfaisante. Comment un mariage par rédemption, soit avec Noémi soit avec Ruth, pourrait-il toucher à sa propriété à lui? Puisqu'un des objets du mariage est de créer un héritier d'Elimélech, un premier fils recevrait la terre d'Elimélech; il ne recevrait jamais autre chose, jamais une partie de la propriété de son père véritable. Qu'estceque le parent le plus proche aurait à craindre? La solution est qu'il a Noémi dans sa tête--et Noémi, dans ses propres mots, est trop âgée pour avoir un mari. C'est très improbable qu'elle puisse engendrer des enfants, certainement elle n'en aurait jamais plus qu'un seul, et celuici appartiendrait à la lignnée d'Elimélech. Le parent le plus proche pense que, s'il épouse Noémi, il aura sans doute la terre d'Elimélech à côté de la sienne, mais il mourra sans héritier pour l'une ou l'autre, certainement sans héritier pour la sienne. Mais, on pourrait se demander pourquoi n'épouserait-il pas, à côté de Noémi, une autre femme, plus jeune que Noémi, capable de lui donner des enfants? Ce n'est pas possible: l'histoire se passe dans un milieu monogame. Nous avons déjà remarqué que si l'âge de Noémi joue un rôle important ce n'est pas seulement parcequ'elle est moins attirante que Ruth, nous voyons maintenant qu'il s'agit d'un vice d'autant plus essentiel que cette histoire doit culminer dans la procréation du grandpère de David. 35
Booz ne laisse pas échapper la vérité immédiatement. Son rival, ouvrant les yeux, pourrait changer d'avis; et puisque la formulation de Booz était distinctement mensongère, le refus qui s'ensuivit pourrait être considérée invalide. A cause de cela, Booz fait solemniser la renonciation au titre d'une façon qui rend impossible toute attaque, qui la rend absolue, irrévocable, qui l'homoloque. La méthode est la même que dans la fameuse vente d'une villa sur un lac dans Ciceron où un bonae fidei judicium est transformé en un contrat litteris. C'est seulement après la fin de la cérémonie que Booz annonce triomphalement: "Vous êtes témoins aujourd'hui que j'ai acquis de la main de Noémi tout ce qui appartenait à Elimélech, et que j'ai acquis en même temps (voici le point culminant) pour femme Ruth la Moabite, femme de Mahalon, fils d'Elimélech, pour faire revivre le nom du défunt dans son héritage." Ainsi Ruth, la jeune femme désirable, de trente ans est "la femme du défunt" que le parent innomé avait refusée étourdiment. Il doit avoir été brisé; et l'auditoire présent, et ceux qui auraont entendu l'histoire racontée, auront ri et jubilé. 36
A un temps ou autre, l'histoire de Ruth peut avoir eu une saveur encore plus fortement légale que maintennant. Elle peut même avoir eu un caractère étiologicue destiné à exposer l'origine de certaines coutumes; et surtout la coutume que, lorsqu'il y a plusieurs candidats au mariage par rédemption, on donne la preférénce, indépendamment du rang à la femme qui peut encore avoir des enfants contre celle qui ne peut plus avoir. Qu'il y avait des problèmes de cette sorte et qu'on en discutait cela se voit des codes et des commentaires rabbiniques. En tout cas le mariage de Booz avec Ruth est une nouveauté; c'est à cause de cela que ni lui, ni son rival, n'y avaient d'abord pensé; et il y a là des vestiges évidents de la coutume ancienne non réformée, selon laquelle Booz aurait épouse Noémi. Cela veut dire que notre histoire représente une phase de transition. Ce n'est pas seulement le fait que 1'acquisition finale vient "des mains de Noémi." C'est Noémi à qui on envoie, après la visite nocturne de Ruth à la grange, une sorte de cadeau de l'épouse. Remarquons aussi que Noémi, évidemment, va résider avec Booz à côté de Ruth. Et surtout, c'est au sein de Noémi qu'on place l'enfant né de Ruth. Dans un sens, Noémi devient la mère. La dernière phrase du livre de Ruth contient les félicitations des voisines. Qu'estcequ'elles disent? "Un fils est né à Noémi." 37

IV Assertions récentes de M. Pirenne

Récemment, M. Pirenne a publié un aperçu de la position de la femme dans la civilisation biblique. Cette étude trahit une réaction excessive contre l'hypercritique du commencement de ce siècle. A ce tempslà, la présomption générale était que les documents doivent avoir tort. Aujourd'hui beaucoup de savants ont l'inclination à accepter les documents avec trop peu de considération critique. M. Pirenne dit que, tandis que Amram, le père de Moïse, épousa sa tante, le fils défendit le mariage à ce degré. Mais on peut démontrer que les codes qui contiennent cette prohibition se développèrent graduellement; et la clause concernant la tante n'appartient pas à la phase la plus ancienne. Par exemple, dans le Lévitique il y a une série de défenses qui va de l'adultère au commerce avec une bête, ensuite on trouve les prohibitions d'épouser une soeur, fille du même père et de s'approcher d'une femme pendant ses époques. 38
Evidemment la première série doit avoir été pendant un certain temps une codification complète, sans le reste; puis on ajouta la soeur et la femme impure. Encore plus tard on ajouta d'autres défenses, y compris celles concernant la tante. Estceque Pirenne considérerait tout ce développement comme prémosaïque. En ce cas, il serait très difficile de voir comment, au temps du roi David, Thamar, demisoeur d'Amnon, pouvait envisager un mariage avec Amnon. Encore, Pirenne tient comme établi, sans question, que les lois qu'on appelle Misphatim et qui constituent une législation très ancienne, sont postérieures aux récits des patriarches, parceque la Bible place les patriarches dans la période la plus reculée. Mais la méthode correcte serait d'examiner minutieusement tout détail de ces récits et d'établir leurs relations avec les Misphatim. Pirenne emet d'autres théories étranges. Il croit qu'un père qui acceptait le Mohar était autorisé à reprendre sa fille si le mari se conduisait mal. Cette coutume serait documentée, selon lui, par les histoires de Samson et de David, et aurait, par conséquent une origine philistine les Juifs l'auraient importée. En réalité, Samson n'était pas allé voir sa femme pendant beaucoup de temps; le domicile des mariés était chez le père de la femme. Le père persuadé que Samson avait quitté sa fille, c'est à dire qu'il s'en était divorcé, la donna à un autre prétendant. Samson décida de traiter cela comme un cas d'adultère. Dans le cas de David, son beaupère Saül aussi donna Michol à un autre homme pendant l'absence prolongée de David. Mais ici, naturellenent, l'hostilité contre David a joué son rôle. En tout cas, il n'y a pas de vestiges de la coutume dont parle Pirenne; il n'est pas question d'origine ou d'adoption de cette coutume, parcequ'elle était inconnue des Philistins aussi bien que des Juifs. Autre exemple: Pirenne s'appuie sur le rituel établi dans les Nombres pour l'eventualité qu'un mari ait des soupçons d'adultère contre sa femme pour en déduire qu'il n'était pas autorisé au divorce sans de bonnes raisons. Autrement, pourquoi devraitil la soumettre a l'épreuve, au lieu de la chasser tout simplememt? Mais cet argument n'est pas concluant. Un mari jaloux peut considérer que le divorce est trop indulgent; si elle est coupable, elle devrait souffrir tout les désastres que le rituel dirigé par Dieu luimême entrainera après soi. En dernier lieu, Pirenne semble se méprendre complètement sur l'histoire de Ruth. Il déduit de cette histoire qu'une veuve peut échapper au lévirat en abandonnant ses possessions. Mais avant tout, dans ce livre on n'a pas affaire au lévirat. Deuxièmement, dans un mariage par lévirat, la femme n'aurait pas de possessions à abandonner, parcequ'elle appartient au cercle restreint de la famille de lévire. Troisièmement, ce n'est pas le cas que Noémi échappe au mariage. Le fait en estque Noémi permet à Ruth de la remplacer comme femme de Booz et que toutes deux, comme nous venons de le remarquer suivent la propriété pour vivre avec Booz en membres de la famille. 39


Remarques:

* En connaissance de sa longue amitié avec Christoph Paulus, David Daube a souhaité faire part de cette lecture non publiée pour le forum historiae iuris. Le Professeur Daube l'a donnée à l'institut de Droit Romain, Paris, 17 Décembre 1962, quand il était Regius Professor of Civil Law et Fellow of All Souls College, Oxford. Trop faible et trop âgé pour éditer son manuscript, il a demandé à Calum Carmichael, Cornell University, de l'aide.

 


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This page was added February 8, 1998
Last updated August 31, 1998